The Conversation : Comment la pollution atmosphérique impacte la pratique sportive

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Publié le 29 juin 2023 Mis à jour le 5 juillet 2024
Date(s)

du 30 juin 2023 au 1 septembre 2023

Régulièrement, des épisodes de pollution de l’air viennent faire l’actualité – comme encore récemment dans plusieurs régions de France. L’Organisation mondiale de la santé (OMS) les définit comme des « contaminations de l’environnement intérieur ou extérieur par un agent chimique, physique ou biologique qui modifie les caractéristiques naturelles de l’atmosphère ».

Pratiquer un sport peut exposer à des pollutions dangereuses pour la santé. RossHelen/Shutterstock
 

Régulièrement, des épisodes de pollution de l’air viennent faire l’actualité – comme encore récemment dans plusieurs régions de France. L’Organisation mondiale de la santé (OMS) les définit comme des « contaminations de l’environnement intérieur ou extérieur par un agent chimique, physique ou biologique qui modifie les caractéristiques naturelles de l’atmosphère ».

Il est aujourd’hui largement admis que ce phénomène a un impact sur la santé de la population en général… Mais qu’en est-il pour les sportifs en particulier ? Sont-ils concernés par des risques spécifiques du fait de leur pratique ?

Pour mieux cerner ce vaste sujet, il est important de revenir aux bases : quelles sont les particules les plus dangereuses, et quelles sont les principales sources…

Les principaux polluants atmosphériques

L’OMS a classé les différents polluants, et s’est intéressée à leurs effets physiologiques. Les plus importantes sont :

Les particules (PM) en suspension, de taille et de composition chimique variée. Les particules de 20 μm de diamètre (PM20) retombent rapidement, et sont donc peu nombreuses sauf dans les zones d’émission. Les PM10 (diamètre inférieur ou égal à 10 µm), PM2,5 et les particules ultrafines (PM<0,1µm) sont les plus fréquentes dans l’atmosphère.

Plus elles sont petites, plus elles impactent nos organes, provoquant le développement ou l’exacerbation de pathologies respiratoires ou cardio-vasculaires, etc. L’exposition aux PM2,5 (même à des taux inférieurs aux normes en vigueur) peut augmenter le risque d’accident vasculaire cérébral, de déficits cognitifs, de démence et de maladies d’Alzheimer et de Parkinson.

Le monoxyde de carbone (CO), gaz formé lors de la combustion incomplète d’éléments carbonés. Véhicules à moteur, chauffages, incinérateurs, raffineries et nombre d’industries en sont de gros producteurs. Nos globules rouges ayant une affinité beaucoup plus forte pour le CO que pour le dioxygène (O2), il provoque une diminution rapide de l’oxygénation sanguine parfois jusqu’à la mort.

Le dioxyde de soufre (SO2), gaz soufré d’origine volcanique et industrielle. Si les émissions ont considérablement diminué ces dernières années dans les pays développés, ce n’est pas le cas partout – notamment lorsque mazout et diesel à haute teneur en soufre restent très utilisés. L’exposition au SO2 provoque une augmentation des hospitalisations et décès de causes cardio-vasculaire ou respiratoire.

Les oxydes d’azote (NOx), gaz issu de combustibles riches en azote, issu du trafic routier ou des générateurs électriques principalement. Le dioxyde d’azote (NO2) est lui-même le précurseur clé d’une série de polluants secondaires d’origine photochimique, tels que l’ozone et les particules organiques, de nitrate et de sulfate mesurées comme PM10 ou PM2,5.

Les composés organiques volatiles (COV). Ils peuvent provenir d’une fuite de systèmes sous pression (gaz naturel, méthane, etc.) ou d’échappement, de l’évaporation d’un carburant (benzène, etc.) comme de la fumée de cigarette ou de produits ménagers. Leurs effets vont de la simple gêne olfactive à des effets cancérigènes. De plus, en se dégradant dans l’atmosphère du fait du rayonnement solaire et de la chaleur, ils provoquent la formation d’autres composés nocifs tels que l’ozone.

L’ozone (O3), un des polluants atmosphériques les plus répandus. Il se forme à partir d’une réaction chimique entre les oxydes d’azote (NOx), le CO, la lumière du soleil et les hydrocarbures. Déplacé par le vent, il se concentre au niveau des grandes villes et les reliefs environnants, surtout par temps ensoleillé.

L’ozone est un fort irritant respiratoire, qui augmente les admissions hospitalières et décès, notamment chez les personnes atteintes de pathologies respiratoires. Il est également impliqué dans le déclin cognitif, la démence et la maladie d’Alzheimer.

Normes des polluants

La recherche sur le lien entre pollution et santé a permis à l’OMS d’établir des seuils à ne pas dépasser. Ces valeurs ont servi à la mise en place d’indices de qualité de l’air et de conseils pratiques – notamment en termes d’activité physique.

Niveaux pour les principaux polluants (particules fines, ozone, dioxyde d’azote et dioxyde de soufre)
Code couleurs pour l’indice de qualité de l’air de l’Agence Européenne de l’Environnement. Agence Européenne de l’Environnement

Ces indices ont un code couleur qui va de vert (bonne qualité de l’air) à violet foncé (mauvaise). On peut les retrouver sur les sites ou d’organismes officiels nationaux ou régionaux, comme AtmoSud (région sud) ou AirParif (région Parisienne). Il en existe d’autres, internationaux, donnant une vue d’ensemble en France.

Quand être vigilant lorsque l’on s’entraîne ?

Dans certaines circonstances, la pratique sportive doit inciter à la vigilance… en extérieur comme en intérieur.

  • En cas de fort trafic automobile

La combustion de l’essence ou du diesel entraîne la production de gaz d’échappement contenant une série de polluants potentiellement nocifs : CO, NOx, COV et PM. En cas de chaleur et de températures élevées, de l’O3 peut également se former en grande quantité.

L’usure des composants des freins et des pneus ainsi que du revêtement routier sont à prendre en compte. De même que la mise en suspension de particules de la surface de la route, par les turbulences générées ou par les forces de cisaillement entre le pneu et le sol.

Les stades, souvent construits à proximité de grands axes routiers (pour en faciliter l’accès) et de parkings, sont donc des lieux potentiellement pollués au moment des matchs. À New Delhi, le marathon se déroule ainsi régulièrement dans des conditions dangereuses pour la santé.

  • Lors d’épandages agricoles

Le risque de se trouver exposé à des concentrations de pesticides est difficile à évaluer. Peu d’études en lien avec les activités sportives ont été menées, mais une revue systématique faite auprès de travailleurs des espaces verts exposés à ces substances a observé une augmentation de la fréquence des cancers et de la maladie de Parkinson dans certains sites.

Une cohorte de 682 responsables de terrains de golf aux États-Unis a également montré une surmortalité due aux cancers, en particulier de la prostate et du gros intestin, des lymphomes non hodgkiniens et des tumeurs du cerveau ou du système nerveux.

  • Pendant des mégafeux de forêt

Dans son sixième rapport, le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) prévoit que le changement climatique entraînera une hausse d’environ 30 % de la fréquence des incendies, responsables de nombreux problèmes de santé.

Incendies et mégaincendies libèrent de fortes concentrations de dioxyde de carbone (CO2) – entre autres polluants atmosphériques. De plus, les fumées peuvent parcourir des milliers de kilomètres et diffuser cette pollution.

En juin 2017, lors des incendies au Portugal et en Espagne, les instruments de mesure des polluants avaient atteint leur limite supérieure… Au Portugal, les concentrations journalières pour les PM avaient localement dépassé pendant 7 à 14 jours les recommandations européennes et nationales.

En Australie, « l’été noir » (2019-2020) a connu cinq mois d’incendies dans l’est et le sud du pays. Les fumées ont été incriminées dans les problèmes respiratoires de nombreux tennismen et women à l’Open de tennis de Melbourne. Un exemple actuel est les mégafeux de forêt au Canada, et l’image impressionnante du ciel orange new-yorkais début juin avec un air « irrespirable » et des activités sportives en extérieur à limiter.

La fumée a perturbé l’Open d’Australie en 2020.
  • Au cours de certaines saisons

En France, les exercices en plein air peuvent entraîner des expositions généralement à des PM (dont les pollens au printemps) lorsque le climat est tempéré (automne-hiver-printemps), et à l’ozone lorsqu’il fait chaud (printemps-été). Avec le réchauffement climatique, les pollens sont également de plus en plus allergisants et gagnent du terrain.

  • Sur terrain synthétique

Il y a quelques années, terrains de loisir et gazon artificiel (comprenant du pneu recyclé) ont suscité des inquiétudes du fait de leur composition : hydrocarbures aromatiques polycycliques, vulcanisants, plastifiants, antioxydants et métaux lourds. Il y a un risque d’inhalation, d’ingestion et de contact avec des résidus problématiques.

Pour les PM, les risques concerneraient davantage leur mutagénicité que la santé respiratoire directe. Leur quantité mesurée dans les terrains de sport était supérieure aux seuils de sécurité légaux ou recommandés pour chaque composé, dont certains cancérigènes.

De plus, de nombreuses substances chimiques issues de la gomme de pneu ne font encore l’objet d’aucune directive quant à leurs éventuels effets nocifs

  • En intérieur

Pratiquer en intérieur expose à des risques spécifiques. Il y a la pollution de l’air intérieur en propre, et celle provenant de l’extérieur – petites PM et ozone notamment. Ce dernier réagit souvent avec les surfaces intérieures.

Des études récentes, mais encore insuffisantes, ont mesuré la pollution en PM, COV et CO2 dans les gymnases, les centres de fitness et les salles de sport. Leurs concentrations sont essentiellement fonction du nombre de participants, du type d’activité et de ventilation. Parce qu’il remet peu en suspension les particules présentes, le yoga a moins d’impact que le body attack par exemple.

Les concentrations élevées en COV peuvent provenir du désinfectant pour les mains à base d’alcool distribué dans les centres de fitness ou les produits de nettoyage, des diffuseurs ou parfums, mais également du matériel récent (tapis, petit matériel de fitness, etc.).

Effets sur la performance

Il faut noter que certains sportifs sont plus sensibles que d’autres. Les effets sur la performance ont été étudiés de deux façons : en rassemblant les temps réalisés par des athlètes sur une course sur différentes saisons, et en suivant les meilleurs résultats lors de marathons internationaux. Ces résultats ont ensuite été mis en lien avec les mesures environnementales et climatiques locales.

Particules. Une augmentation des PM2,5 et PM10 augmenterait le temps de course au marathon et au 5 km (chez les femmes mais pas que). Il y a deux explications possibles : par une baisse de la VO2 max (quantité maximale d’oxygène que notre corps peut utiliser pendant l’exercice) et une augmentation de la perception de l’effort.

Cette corrélation existe même si les seuils de l’OMS ne sont pas dépassés, mais ces variations de performance ne sont alors pas forcément perceptibles à l’échelle individuelle ou sur des études de courte durée.

Chaque augmentation de 10 µg/m3 de PM10 augmentait par contre le temps de course de 1,4 % chez les femmes marathoniennes. Et plus l’air est pollué, plus les effets sont visibles. Un marathonien moyen aurait mis environ 12 minutes de plus pour franchir la ligne d’arrivée lors du marathon de Beijing en 2014, lorsque l’air était très pollué, comparé à un jour où l’air aurait été moyennement pollué.

● L’ozone semble le plus impactant pour la performance. En plus de les diminuer, il augmente le nombre d’abandons d’effort – parfois jusqu’à 50 % en cas de concentration importante.

À faible concentration, les effets sont peu perceptibles au niveau de l’individu, mais un auteur a estimé la baisse de performance à 0,39 % pour chaque augmentation d’environ 20 µg/m3 d’O3.

Le plus souvent, ozone et PM combinent leurs effets. Le suivi des données de cinq Ironman se déroulant chaque année aux États-Unis sur sept ans ont permis de montrer que l’ozone impactait la performance en natation, et les PM2,5 plutôt celles en cyclisme et course à pied. Chaque augmentation de 20 µg/m3 d’ozone augmente le temps final moyen de 1 % et chaque augmentation de 1 mg/m3 de PM2,5 de 0,12 %.

De façon cohérente, les marathoniens les plus entraînés, finissant plus vite les épeuves, sont moins affectés par les effets des polluants.

Des données comparables ont été obtenues pour les sports collectifs. Chez des joueurs professionnels de la Bundesglia et des adolescents footballeurs, une baisse de la distance parcourue, des efforts à haute intensité ainsi que du nombre de passes ont été reportés en lien avec la qualité de l’air.

Dans la National Football League aux États-Unis, il a été montré que la défense était moins efficace quand les PM₂⋅₅ étaient élevées.

Les arbitres professionnels ne sont pas épargnés. Le nombre d’erreur d’arbitrage augmenterait ainsi de 11 % pour chaque hausse de 1ppm de CO (moyenne sur 3h) et de 2,6 % des PM2,5 (moyenne sur 12h).

Les effets de la pollution sur la performance sont souvent masqués par ceux, plus importants, de la chaleur. Ils sont pourtant bien présents et, s’ils sont parfois de faibles envergures, ils suffisent à modifier un podium ou un score qui se joue à quelques secondes…

L’avenir du sport dans un environnement toujours plus chaud et pollué sera-t-il de sélectionner des athlètes moins sensibles aux polluants afin d’optimiser les performances de leur équipe ? Et surtout, que fait-on de ces informations en termes de santé publique ?


Manon Friocourt est étudiante en Master STAPS (LAMHESS, Université Côte d’Azur). Elle travaille sur les effets des polluants sur la performance, sous la direction de Valérie Bougault, et a contribué à la réalisation de cet article.The Conversation

Valérie Bougault, Maître de Conférences, Université Côte d’Azur

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.

AUTEUR

Maître de Conférences, Université Côte d’Azur

 

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