Liberté, égalité, fraternité à l’épreuve du COVID-19

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Publié le 18 novembre 2020 Mis à jour le 16 janvier 2021
Date(s)

le 25 mars 2020

homme regardant le coronavirus par sa fenêtre
homme regardant le coronavirus par sa fenêtre

Difficile d’évoquer la recherche médicale sans parler de la pandémie mondiale du Coronavirus (SARS-CoV-2), COVID-19, qui nous frappe. Mais que dire de plus que ce qui est déjà entendu, lu, consultable.

Par Gilles l’Allemain, directeur adjoint de l'Institut Biologie Valrose, Inserm, Université Côte d'Azur (gilles.lallemain@unice.fr) et le Professeur Jacques-Olivier Bay, MD-PhD, Chef de service hémato-oncologie du CHU Clermont-Ferrand (jobay@chu-clermontferrand.fr)

Ses répercussions cliniques sont maintenant connues. Porteurs sains pouvant infecter, patients peu symptomatiques ou à l’inverse nécessitant des prises en charge hospitalières jusqu’à la réanimation dans des contextes de détresse respiratoire aiguë. Variabilité, imprédictibilité, grande contagiosité semblent les maitre-mots. Les solutions thérapeutiques sont bien maigres et la vaccination encore impossible.

Mais cette épidémie affecte également nos croyances dans l’invincibilité de notre civilisation, dans la solidité de notre système économique, dans l’incongruité de certains de nos choix qu’ils soient politiques ou autres. Le COVID-19 n’a pas de frontière, et il conduit les pays à les fermer. Actuellement, il nous confine. Notre liberté s’en trouve largement affectée. Ce virus n’a pas de transmission par choix sélectif, profitant de ce qu’il trouve. Pourtant, ses conséquences vont être différentes selon les patients atteints, rompant les principes d’égalité. Enfin, ce virus, inconnu il y a quelques mois, est maintenant dans toutes nos pensées, s’imposant comme la cruelle réalité de notre fragilité d’humain. En effet, malgré notre niveau de développement améliorant la santé comme jamais depuis le début de l’humanité, il est symptomatique de réaliser que la plus petite entité d’ADN, incapable de vivre seule par elle-même, bloque quasiment toute activité humaine, la réduisant à sa plus simple expression de survie, une simple alimentation de subsistance ... Un tel vacillement de notre civilisation permet de relativiser notre toute puissance sur la Nature, et replace notre humanité au sein d’un ensemble interdépendant dont nous ferions bien de nous souvenir à l’avenir. 

Dans le désastre en cours et annoncé, il révèle les personnalités de chacun : les optimistes, les inconscients, les égoïstes, les bonimenteurs, les défaitistes, les anxieux, les génies, les grands organisateurs, etc. La fraternité s’en trouve altérée puisque les relations humaines sont fortement  perturbées et sans doute pour assez longtemps. Car nous ne verrons plus l’autre de la même façon après cette pandémie. Ce virus altère notre mode de vie lui-même et risque bien de le faire évoluer pour toujours. En effet, après plusieurs alertes épidémiques virales ces dernières années, ce coronavirus va forcer le monde à prendre des dispositions nouvelles afin, si ce n’est de se prémunir complètement, tout au moins de mieux prévoir et prévenir ce type d’agression, le tout dans le but de mieux guérir les malades atteints. Pour autant, même différente, la fraternité doit rester et demeurer intimement liée à l’espèce humaine, bien heureusement.

Plus proche de nous, ce virus a conduit à des propos et actions contradictoires, louant ce qui était antérieurement vilipendé et négligé. Ainsi, les urbains fuient à la campagne après avoir dénoncé nos agriculteurs ; des élections restent possibles alors que se rassembler le même jour dans des parcs choque. Dans le domaine qui nous concerne, celui de la santé, sans logique obligatoirement comptable, le service public devient reconnu après avoir été négligé depuis tant d’années. Bien d’autres exemples seraient possibles.

Il existe tout de même des points largement positifs. Un élan de solidarité est perceptible ; la recherche scientifique et médicale est en marche avec de premiers essais de grande ampleur ; un peu pris de cours, notre Etat nous protège autant que faire se peut (ce qui n’est pas forcément  le cas dans tous les pays) ; nous pouvons proposer des soins à nos patients ; malgré ses lourdeurs souvent dénoncées, nos hôpitaux s’adaptent rapidement ; le monde médical et paramédical se mobilise efficacement avec dévouement en acceptant les prises de risques pour eux-mêmes et leurs proches. Bien d’autres exemples sont possibles.

Alors oui, cette épidémie est inédite à de nombreux points de vue mais puissent notre réactivité et notre sensibilisation aux nouvelles mesures fassent qu’elle ne devienne pas dramatique. Car si un tribut toujours trop grand sera payé, nous pouvons espérer, voire affirmer, au vu du ralentissement observé en Chine, qu’elle n’atteindra pas le niveau de précédentes épidémies, si nous respectons la logique du confinement, faute de traitement préventif ou curatif. En effet, sans remonter jusqu’à la peste noire du Moyen-Age, plus près de nous, le siècle précédent a quand même enregistré des millions de morts rien que pour la grippe espagnole. Et qui se souvient de la meurtrière "grippe de Hong Kong", qui fit des dizaines de milliers de morts français, en 1969 ? Oui, français ! Mais elle passa inaperçue à l'époque. Pas de confinement. Pas de médecins en direct dans les journaux télévisés. A quoi tient l’inquiétude d'aujourd'hui ? A  la compétition médiatique ? Aux réseaux sociaux ? A l'information en continu ? Au manque criant de financements de notre hôpital ?

Relativisons donc la portée mortifère de cette pandémie du COVID-19 puisqu’un grand nombre de malades en guérissent (un grand merci à nos soignants), voire sont asymptomatiques. Et souhaitons que l’actuelle épidémie permette à nos sociétés de nous ressaisir en nous concentrant sur le vrai sens de nos vies et surtout sur l’avenir que nous laisserons à nos enfants. Dans l’immédiat, acceptons moins de liberté pour plus d’égalité dans les soins et plus de fraternité collective.

Une des nombreuses conséquences de cette pandémie est notre rapport au temps qui va forcément changer : comment s’occuper pendant cette parenthèse semble devenir un leitmotiv, même si nous sommes nombreux à savoir quoi faire ...

Mais qu’est-ce que cette quatrième dimension, le temps, en réalité ? Le temps « c’est de l’argent » disent les productivistes mais avec ce virus qui met à bas l’économie, entraînant peut-être une récession,  voire une décroissance (recommandée par certains ...), le temps n’est rien d’autre qu’une construction mentale de l’humanité !

Après tout, l’humain a inventé le travail, la propriété, (avant, nos ancêtres étaient d’éternels migrants), le capitalisme, et s’est rassemblé dans des villes de plus en plus tentaculaires, sans se soucier des conséquences possibles et des risques encourus et voilà qu’un tout petit virus nous rappelle à l’ordre en nous forçant à s’isoler ... alors, est-ce le prix à payer de nos inconséquences ?

Et l’humain, fera-t-il preuve d’humilité dans le futur ? Rien n’est moins sûr ...

Alors, pourquoi l’humanité ne s’habituerait-elle pas à « prendre le temps », voire même prendre l’habitude d’une quarantaine forcée de « temps en temps »  avec de nouveaux loisirs confinés (nul ne doute que certains en feront du business en proposant de bien utiliser son temps, voire de « tuer le temps » !)

Et puis, un autre défi se posera à l’humanité à la fin de cette parenthèse temporelle, car sortir du confinement ne va pas être aisé : en effet, toute sortie prématurée ou trop laxiste provoquerait une autre vague virale irrémédiable ... puissions-nous être raisonnables !

Contact :
Gilles l’Allemain, Directeur adjoint de l'Institut Biologie Valrose : gilles.lallemain@univ-cotedazur.fr