Un premier jeu de données génomiques réalisé à partir de levures
Publié le 18 novembre 2020
Grâce au séquençage de longues molécules d'ADN, un consortium de laboratoires français, anglais et suédois, dont l'IRCAN (Institut for Research on Aging and Cancer) fait partie, décrit l'assemblage complet des génomes de sept souches de levures de boulangerie (Saccharomyces cerevisiae) et de cinq souches de levures Saccharomyces paradoxus. Cette étude a permis de définir les limites entre régions internes et sous-télomèriques des chromosomes et de comparer les dynamiques évolutives des souches domestiquées et des souches sauvages naturelles.
Cette étude a été publiée le 17 avril 2017 dans la revue Nature Genetics.
Il y a plus de 150 ans que le moine Autrichien Gregor Mendel a réalisé ses célèbres expériences sur la couleur et la texture des petits pois. Depuis lors, les scientifiques s'efforcent d'expliquer comment l'information génétique codée dans notre ADN se traduit en traits physiques observables, appelés phénotypes. Au cours de ces dernières années, le développement rapide des techniques de séquençage a permis de décoder plus facilement la séquence de notre ADN. Pour ce faire, on commence par découper l'ADN en millions de petits fragments puis on séquence ces petits fragments à très grande échelle. Cependant, réorganiser ces petits morceaux de séquence entre eux n'est pas chose facile, un peu comme assembler un immense puzzle avec des pièces manquantes et plusieurs pièces qui peuvent aller au même endroit.
De plus, il y a de nombreuses régions dans nos chromosomes qui sont réarrangées et ces variations structurelles sont difficiles, voire impossibles dans certains cas, à assembler avec des séquences de petite taille. En conséquence, une grande proportion de ces régions reste indéterminée alors que de nombreux indices suggèrent qu'elles joueraient un rôle très important dans l'adaptation à l'environnement et la susceptibilité aux maladies.
L'avènement récent des technologies de séquençage de longs fragments d'ADN s'est révélé très puissant pour assembler des génomes complets et pour résoudre correctement les régions complexes et réarrangées. Cependant, ceci avait été réalisé jusqu'à présent uniquement à l'échelle d'un génome de référence unique. Un consortium international dirigé par Jia-Xing Yue et Gianni Liti (Institut de Recherche sur le cancer et le vieillissement - IRCAN) a maintenant étendu cette approche à un niveau supérieur. Les chercheurs ont séquencé les génomes de 12 souches représentatives de la levure de boulangerie (Saccharomyces cerevisiae), partiellement domestiquée par l'homme, et d'une levure apparentée mais qui est restée à l'état sauvage (Saccharomyces paradoxus). Ils ont reconstruit des génomes entièrement assemblés, d'un bout à l'autre des chromosomes, produisant ainsi le premier jeu de données génomiques de ce type à l'échelle d'une population.
En comparant de manière systématique ces séquences génomiques, à la fois entre souches de la même espèce mais aussi entre souches appartenant aux deux espèces différentes, ils ont pu décrire précisément la dynamique structurelle des génomes dans leur contexte évolutif. Ceci leur a permis de mettre en évidence des contrastes frappants entre ces deux espèces qui, pour la plupart, peuvent être expliqués par l'association étroite entre la levure de boulangerie et les activités humaines. De plus, les régions localisées à proximité des extrémités des chromosomes, appelées régions sous-télomèriques, évoluent très rapidement et accumulent de nombreux réarrangements structuraux. Cette étude fournit la première définition précise de ces régions chromosomiques complexes et illustre leur plasticité évolutive avec un niveau de résolution inédit. Enfin, ces résultats montrent comment la résolution des réarrangements dans ces régions complexes peut nous éclairer pour comprendre les bases génétiques à l'origine des phénotypes complexes. L'ensemble des données générées au cours de ce travail est mis à la disposition du public et de la communauté scientifique. Les assemblages complets des chromosomes ainsi que leurs annotations serviront de génomes de référence au niveau populationnel. Cette étude pose un nouveau jalon dans le champ de la génomique eucaryote et ouvre la voie à une meilleure compréhension de la relation génotype-phénotype.
Contact : Gianni Liti - gianni.liti@unice.fr