Un circuit photonique silicium pour les systèmes de communication quantique de demain
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le 26 mars 2020
Grâce aux compétences en photonique intégrée sur silicium du Centre de Nanosciences et de Nanotechnologies - C2N et en photonique quantique de l’Institut de Physique de Nice – INPHYNI, des physiciens ont mis au point une nouvelle architecture de puce photonique en silicium. Ce type de circuit, adapté au standard des systèmes classiques actuels, pourrait avantageusement équiper les réseaux de communication quantique de demain.
L'information quantique établit de nouvelles références en matière de communication et de traitement de l'information, grâce à des protocoles permettant une sécurité absolue dans l'échange de données et des capacités de traitement massivement parallèles. Ces avantages quantiques reposent sur l’exploitation de propriétés exclusives (et fragiles) à la physique quantique, telle que l’intrication. Les nouveaux défis auxquels il faut faire face aujourd’hui consistent à proposer des architectures de systèmes quantiques fonctionnels, évolutives, fiables et pouvant être déployées à l’échelle d’un territoire. La photonique intégrée sur silicium permet de répondre à ces attentes en rendant possible l'intégration dense de fonctionnalités optiques linéaires et non-linéaires. Cela permet d’obtenir, sur des substrats monolithiques, la génération, le routage, la manipulation avancée, ainsi que la détection, d'états quantiques photoniques. Intégrer sur une seule puce tous les éléments nécessaires pour produire une intrication photonique de haute qualité dans la gamme de longueurs d'onde des télécommunications reste un défi majeur, principalement en raison des performances limitées des filtres de réjection de lumière sur puce. Ce filtre doit diminuer de plus de 9 ordres de grandeur la pompe laser sans affecter les propriétés quantiques de la lumière générée.
Des chercheurs du Centre de Nanosciences et de Nanotechnologies - C2N (CNRS/Université Paris-Saclay) et de l’Institut de Physique de Nice – INPHYNI (CNRS/Université Côte d’Azur) ont mis en commun leur expertise pour mettre au point une nouvelle architecture de puce photonique en silicium, conforme aux standards des télécommunications, et qui intègre un générateur de paires de photons non linéaire et un filtre passif permettant de rejeter très fortement le laser de pompe. Les chercheurs démontrent ainsi la qualification de l'intrication produit au sein du circuit intégré. Leurs travaux sont publiés dans la revue npj Quantum Information.
Le dispositif expérimental (voir figure) consiste en un laser continu qui pompe une puce photonique fabriqué au C2N dans laquelle une micro-cavité génère, par mélange à 4 ondes, des paires de photons intriqués. La préservation des propriétés quantiques de l’information nécessite un filtrage élevé du signal de pompe par rapport aux paires de photons intriqués porteuses de l’information. Le tour de force de cette démonstration est d’avoir conçu un étage de filtrage intégré directement sur puce afin de supprimer le laser de pompe par rapport au signal quantique. L’approche proposée exploite un guide d’onde multimode avec une corrugation de Bragg, c’est-à-dire une variation périodique de la largeur du guide d’onde, qui minimise les erreurs de fabrication. Cette stratégie générique permet l’obtention de forts taux de rejection sans nécessiter l’utilisation de contrôle actif. Ce filtre possède une rejection record évaluée à plus de 85 dB sur une bande passante de 5 nm avec des pertes équivalentes à celle d’un guide d’onde standard.
Des paires de photons intriqués en énergie-temps sont produites autour de la longueur d’onde de 1550 nm au sein d’un peigne de fréquences alignées selon la grille standard des télécoms (grille ITU). Les chercheurs à INPHYNI ont mesuré la visibilité des interférences à deux photons des paires générées par cette source sur 40 nm de bande passante. Le fait remarquable est d’avoir obtenu une visibilité brute de plus de 95% (Figure 1 c) sur les 11 paires de canaux testés, attestant ainsi de la validité de l’approche pour l’étage de filtrage.
Ce type de circuit photonique de dernière génération pourrait devenir le cœur des réseaux quantiques de demain. Dans une perspective de déploiement à grande échelle sur des réseaux de télécommunications, un partenariat a été noué avec un industriel pour permettre de transférer cette approche afin d’obtenir un composant photonique au standard des systèmes classiques actuels.
Figure 1 : a) dispositif expérimental. TF : filtre passe-bande, PC : contrôleur de polarisation, RR : micro-cavité, MC : coupleur modal, PF : filtre stop-bande. b) Image SEM du filtre. c) résumé des résultats.
Référence :
High quality photonic entanglement out of a stand-alone silicon chip
Dorian Oser1, Sébastien Tanzilli2, Florent Mazeas2, Carlos Alonso Ramos1, Xavier Le Roux1, Grégory
Sauder2, Xin Hua2, Olivier Alibart2, Laurent Vivien1, Éric Cassan1, & Laurent Labonté2
npj Quantum Information, (2020)
DOI : 10.1038/s41534-020-0263-7
1 Centre de Nanosciences et de Nanotechnologies – C2N (CNRS, Université Paris-Saclay)
2 Institut de Physique de Nice – INPHYNI (CNRS/Université Côte d’Azur)
Contact :
- Dorian Oser, Post-Doctorant au C2N – dorian.oser@c2n.upsaclay.fr
- Carlos Alonso-Ramos, Chargé de recherche CNRS au C2N – carlos.ramos@c2n.upsaclay.fr
- Eric Cassan, Professeur Université Paris-Saclay au C2N – eric.cassan@c2n.upsaclay.fr
- Laurent Labonté, Maître de conférences Université Côte d’Azur à INPHYNI – laurent.labonte@univ-cotedazur.fr