Alors que l’élection présidentielle américaine du 5 novembre doit voir l’élection du successeur de Joe Biden se pose la question du bilan environnemental de l’actuel président des États-Unis. Retour dans l’accord de Paris, vaste plan d’investissement vert… Le contraste avec son prédécesseur, Donald Trump, est saisissant. Pour autant, il reste difficile, aux États-Unis, de se détacher de l’industrie fossile, et les défenseurs de l’environnement ne digèrent pas certaines décisions.
Deuxième émetteur de gaz à effet de serre mondial, les États-Unis ont un rôle essentiel à jouer dans la construction d’une trajectoire climatique plus désirable. Et cela d’autant plus que la politique environnementale qui y est conduite a une incidence au-delà des frontières.
Les quatre années de présidence Biden qui viennent de s’écouler ont vu les États-Unis revenir dans la discussion mondiale sur le climat : d’abord en rejoignant à nouveau les États signataires de l’accord de Paris, puis en mettant en place une politique environnementale plus ambitieuse.
Alors que l’élection présidentielle américaine de novembre 2022 va voir s’opposer Kamala Harris, vice-présidente actuelle de Joe Biden, avec l’ancien président Donald Trump, la question du bilan environnemental du mandat Biden se pose. Celui-ci est critiqué : malgré des retombées positives, il reste difficile, dans le contexte américain, de se détacher des énergies fossiles et des intérêts privés.
Un président à l’écoute de la science, contrairement à son prédécesseur
L’administration Biden a fondé sa politique environnementale sur une vision renouvelée du rapport entre l’exécutif et la science, diamétralement opposée à celle qui l’a précédée sous la présidence Trump.
Outre le retrait des États-Unis de l’accord de Paris ainsi que la nomination du climatosceptique Scott Pruitt à la tête de l’Agence nationale de protection de l’environnement américaine (EPA), l’administration Trump a fréquemment ignoré ou minimisé les appels de la communauté scientifique à instaurer des réglementations plus protectrices de la santé publique ou de l’environnement.
Au contraire, les actions destinées à dresser des obstacles contre la recherche scientifique ou à en discréditer les résultats ont été multipliées. Le projet universitaire Silencing Science Tracker a ainsi recensé 346 actions hostiles à la science émanant de l’État fédéral entre le 8 novembre 2016, date de l’élection de Donald Trump, et le 20 janvier 2021, date de l’investiture de Joe Biden.
Le simple fait que l’administration Biden, contrairement à l’administration Trump, reconnaisse la réalité scientifique du changement scientifique est une nette évolution. Quelques jours avant son investiture, Joe Biden s’est distingué de son prédécesseur, en annonçant que :
« la science [serait] toujours au premier plan au sein de [son] administration » et que toutes les actions se devaient d’être « fondées sur la science, les faits et la vérité. »
Pour la première fois dans l’histoire des États-Unis le Conseiller scientifique du président a également été placé au rang ministériel. Dès son entrée en fonction, le président Biden a également signé le retour des États-Unis dans l’accord de Paris.
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De quoi placer la question climatique cœur de la politique intérieure et extérieure, rappelant la pertinence de la diplomatie climatique, et cela alors même que les États-Unis sont le deuxième pays le plus émetteur de gaz à effet de serre.
Un vaste plan d’investissement vert
Le mandat de Biden a été marqué par l’héritage de Franklin D. Roosevelt (à la tête des États-Unis de 1933 à 1945), qui concevait l’investissement de l’État fédéral comme un puissant levier, tant pour l’économie que pour la protection de l’environnement. Les investissements réalisés sous l’administration Biden se situent également dans le prolongement de l’American Recovery and Reinvestment Act de 2009, programme de relance voté sous l’administration Obama, qui comportait un volet environnemental notable.
La politique environnementale de l’administration Biden se caractérise, elle aussi, par une volonté de mieux protéger l’environnement et d’améliorer l’efficacité énergétique, grâce à l’engagement financier de l’État fédéral et à la création d’emplois.
La promulgation de deux lois majeures a permis des mesures d’une ampleur et d’une portée inédites. Elles reposent toutes deux sur le principe d’une transition énergétique accomplie en subventionnant la décarbonation plutôt que par la tarification du carbone. Il s’agit de :
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l’Infrastructure Investment and Jobs Act (2021), également connu sous le nom de Bipartisan Infrastructure Law). Elle vise à investir dans la protection des personnes vis-à-vis des catastrophes naturelles découlant du changement climatique et dans les infrastructures d’« énergies propres ». Cet investissement concernait ainsi les transports publics et fluviaux à faible émission, les véhicules électriques, l’assainissement des eaux ainsi que sur la production d’électricité par hydrogène. Le niveau total des investissement est sans précédent : 1 200 milliards de dollars.
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et l’Inflation Reduction Act (2022), qui renforce les dispositifs de promotion des énergies propres. L’enjeu était de créer des emplois tout en réduisant les coûts pour les consommateurs. Le montant total, qui s’élève à 400 milliards de dollars, se répartit entre les investissements directs de l’État fédéral d’une part, et les incitations financières à l’investissement (crédits d’impôt, subventions, garanties d’emprunt notamment) et dans certains cas, des incitations directes d’autre part.
Des effets environnementaux difficiles à évaluer à court terme
Entre le second semestre de l’année 2022 et le second semestre de l’année 2023, l’investissement dans les technologies et infrastructures propres a ainsi atteint 493 milliards de dollars, soit une augmentation de 71 % par rapport aux deux années précédant l’entrée en vigueur de la loi, avec un niveau d’investissement privé cinq à six fois supérieur à celui de l’investissement public. Depuis le second semestre de l’année 2023, il a encore augmenté de près de 50 % et dépassé le niveau des investissements dans la production de pétrole et de gaz.
Effet conjoint de ces lois, le secteur de l’énergie propre a créé 149 000 emplois, soit plus de la moitié des nouveaux emplois de la totalité du secteur de l’énergie, avec une augmentation deux fois plus rapide que le secteur de l’énergie et que l’économie américaine dans son ensemble. Les effets macroéconomiques de ces dispositions sont donc tangibles.
Mais leurs bénéfices strictement environnementaux, eux, sont plus difficiles à évaluer, car ils sont formulés en termes d’objectifs à atteindre à l’horizon 2030 voire 2050 : l’un des principaux objectifs est de réduire les émissions de carbone de 40 % d’ici 2030. Et de fait, les estimations à l’horizon 2050 indiquent un effet bénéfique de l’Inflation Reduction Act, avec 21 milliards de tonnes équivalent CO₂ évitées par rapport à un scénario où cette loi ne serait pas en vigueur.
Cette loi fait surtout l’objet de contestations aux yeux des défenseurs de l’environnement. Ceci en raison d’une disposition selon laquelle le Département de l’intérieur des États-Unis, en charge des terres fédérales, des ressources naturelles et du patrimoine naturel, est tenu de proposer des licences d’exploitation des hydrocarbures sur une surface minimale des terres fédérales et des zones de haute mer avant de pouvoir y délivrer des licences d’exploitation pour les énergies solaire et éolienne.
Cet élément de compromis avec l’industrie fossile résulte de l’influence de Joe Manchin, sénateur démocrate de Virginie-Occidentale et défenseur des intérêts du secteur de l’énergie fossile.
Dans le cadre de cette disposition, le plan quinquennal de l’État fédéral en septembre 2023 a ainsi délivré trois licences d’exploitation de gaz et de pétrole dans le golfe du Mexique en 2025, 2027 et 2029
Le Département de l’intérieur des États-Unis a argué qu’il s’agissait du plus faible nombre historique de licences de ce type accordées, ainsi que du plus petit nombre lui permettant de multiplier des licences d’exploitation de l’énergie éolienne d’ici 2030. Sans pour autant convaincre les défenseurs de l’environnement.).
L’État fédéral a d’ailleurs augmenté les taxes sur le forage et l’extraction minière sur les terrains publics afin de responsabiliser davantage l’industrie pétrolière.
Toutefois, les mesures prises ne sont pas parvenues à contrebalancer l’effet des innovations dans le domaine de la fracturation hydraulique. Les États-Unis restent au premier rang des pays producteurs de pétrole.
Pour les défenseurs de l’environnement, le projet Willow ne passe pas
L’autorisation du projet Willow confirme la difficulté de l’administration Biden à prendre ses distances vis-à-vis de l’industrie des hydrocarbures.
Ce projet permettra à l’entreprise texane ConocoPhillips d’effectuer des forages pétroliers sur les terres fédérales de l’Alaska et, selon les estimations, sera à l’origine de l’émission de 277 millions de tonnes de CO₂ supplémentaires d’ici une trentaine d’années.
Bien sûr, des inquiétudes d’ordre géopolitique, notamment liées à la guerre entre la Russie et l’Ukraine et aux tensions sur le marché du pétrole en Europe. Mais cette autorisation, qui dénote avec les promesses de campagne de Joe Biden, a été perçue par l’opinion publique comme le signe que le profit prévalait sur la responsabilité environnementale.
Les implications pour l’élection américaine
Reste à savoir dans quelle mesure ce bilan conditionnera les résultats du scrutin présidentiel américain du 5 novembre prochain. Celui-ci sera non seulement crucial pour la transition énergétique aux États-Unis, mais également pour le monde entier, tant la vision des candidats Trump et Harris diffère.
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En cas de victoire, Donald Trump remettrait l’accent sur les énergies fossiles. Il compte également défaire massivement les réglementations environnementales et réduire des politiques de soutien aux énergies renouvelables. Il ferait également de nouveau sortir les États-Unis de l’accord de Paris. La majorité conservatrice de la Cour suprême ainsi que des cours fédérales lui conférerait un avantage pour le faire. Au Congrès toutefois, sa marge de manœuvre resterait limitée par l’existence des deux lois majeures citées précédemment.
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Kamala Harris, actuelle vice-présidente de l’administration Biden, quant à elle, a placé le volet environnemental de son programme dans la continuité de celui de Joe Biden. Son parcours personnel en tant que procureur et Sénateur de Californie atteste son expérience en matière de « justice environnementale ».
Des compétences qu’elle devra sans doute allier, si elle est élue, à des qualités de négociatrice avec cet autre acteur majeur de la scène mondiale, la Chine.
Ruxandra Pavelchievici, Maître de conférences en civilisation américaine, chercheuse au LIRCES (Université Côte d’Azur)
Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.
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