The Conversation : faut-il s'entraîner quand la qualité de l'air est dégradée ?

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Publié le 28 août 2024 Mis à jour le 9 septembre 2024
Date(s)

du 4 septembre 2024 au 28 février 2025

De nombreux travaux scientifiques ont démontré que, pour augmenter ses chances de demeurer en bonne santé, il faut être le moins sédentaire possible et pratiquer une activité physique. Mais qu’en est-il lorsque la qualité de l’air est dégradée ?

On sait que la pollution atmosphérique figure parmi les principales menaces environnementales pesant sur notre santé. Si, en cas de pics de pollution, certaines personnes préfèrent éviter de s’activer, d’autres continuent à pratiquer leur sport malgré tout.

Pollution de l’air : quels effets sur la santé ?

Pourtant la pollution atmosphérique peut avoir des effets sur la santé des sportifs à court ou à long terme.

À court terme, des études épidémiologiques observationnelles ont établi un lien entre la pollution de l’air et la survenue de divers effets délétères, comme l’augmentation de la pression artérielle systolique, de l’inflammation au niveau des bronches au minimum (parfois de manière systémique), la réduction des débits pulmonaires ainsi que des symptômes respiratoires (toux ou essoufflement).

Pour ce qui est des effets à long terme, en revanche, les résultats sont moins clairs. Divers travaux suggèrent que les gains procurés par l’activité physique exercée dans un environnement très pollué sont moindres sur le long terme que lorsque la même activité est pratiquée dans un environnement plus sain.

Des chercheurs de l’Université de Sao Paulo, au Brésil, ont notamment analysé le risque relatif de mortalité toutes causes confondues en fonction de la pratique de course à pied sur diverses durées, en comparant la situation dans des villes très polluées avec celle de villes moins polluées.

Leurs résultats révèlent que si le fait de courir dans des villes peu polluées apporte effectivement des bénéfices pour la santé, ceux-ci disparaissent après 15 minutes d’exercices dans les villes les moins saines.

Pire, chez de jeunes hommes en bonne santé, après 75 minutes d’exercice, les risques pour la santé liés à la pollution de l’air surpassent le gain procuré par l’activité physique.

Il faut cependant souligner que ces résultats sont issus de modèles mathématiques, et ne prennent pas en compte certains paramètres tels que la sensibilité individuelle aux polluants atmosphériques, les divers cocktails de polluants auxquels peuvent être soumis les individus (et qui peuvent varier d’une personne à l’autre), les caractéristiques des activités sportives ou encore l’impact des conditions climatiques, dont on sait qu’elles sont en train de se modifier sous l’effet du changement climatique.

On considère généralement que les bénéfices de l’activité physique, même pratiquée dans un environnement pollué, ont plutôt tendance à l’emporter sur les risques liés à la mauvaise qualité de l’air. Néanmoins, il serait préférable de mener de toute urgence des études complémentaires, en particulier dans les pays à faibles revenus, où certaines villes s’avèrent particulièrement polluées.

D’une façon générale, quand on pratique un sport alors que la qualité de l’air est dégradée, il vaut mieux être à l’écoute de son organisme, et rester prudent. En effet, à chaque pic de pollution, le nombre d’hospitalisations et de décès augmente, non seulement le jour même, mais aussi les jours suivants, notamment en raison de problèmes respiratoires.

Des réactions qui varient d’une personne à l’autre

Confrontés à la pollution de l’air, tous les sportifs ne réagissent pas de la même façon. Des travaux menés au début des années 1980 avaient révélé qu’en cas de concentration très élevée d’ozone, 68 % des athlètes en bonne santé, sans maladie respiratoire ou chronique ni allergie, présentaient une obstruction des voies respiratoires pouvant être significative (plus de 10 % d’obstruction), voire sévère (plus de 35 % d’obstruction).

Par ailleurs, chez les 32 % d’athlètes participants qui ne présentaient aucune obstruction significative des voies respiratoires, les chercheurs ont remarqué que les bronches ne se dilataient plus après un effort en milieu pollué (la bronchodilatation est pourtant un phénomène normal lors de la pratique d’une activité physique).

Ces observations révèlent que certains sportifs sont plus sensibles que d’autres à la pollution de l’air. Mais une chose est certaine : plus la concentration en polluants est élevée, plus le nombre de personnes sensibles s’accroît.

Quels symptômes surveiller ?

Lors de vos entraînements, si vous toussez ou si vous avez l’impression de ne pas respirer aussi profondément que d’habitude, si vous ressentez une oppression thoracique, des maux de tête, une irritation de la gorge ou d’autres symptômes, si votre fréquence cardiaque vous paraît un peu élevée ou si vous avez du mal à maintenir la charge habituelle (puissance, vitesse…), bref, si votre réponse à l’entraînement n’est pas celle que vous attendiez, renseignez-vous sur le niveau de pollution de l’air…

Les agences en charge de la surveillance de la pollution atmosphérique et l’Organisation mondiale de la santé (OMS) ont formulé un certain nombre de recommandations afin d’adapter sa pratique sportive en fonction de l’indice de qualité de l’air. Certaines villes ou écoles ont fait de même.

La ventilation, une préoccupation majeure

Plus l’intensité de l’exercice augmente, plus la fréquence de la respiration augmente, et plus la quantité d’air ventilée par les poumons s’accroît. Ce faisant, l’air et son contenu pénètrent profondément dans les voies respiratoires. En fonction du niveau de ventilation et de la durée de l’exercice, la quantité de polluants et de particules inhalées sera donc plus ou moins importante.

Durant l’effort, la ventilation de certains athlètes « élite » peut, pendant quelques minutes, être multipliée par 30 par rapport à ce qu’elle est au repos (respectivement 200 l/min contre 6-8 l/min). Lorsque ces sportifs s’exercent pendant des heures, ils peuvent ventiler à plus de 100 l/min, soit plus de 15 fois les valeurs de repos.

De plus, à partir d’un certain niveau de ventilation (qui peut varier en fonction des individus, mais se situe généralement autour de 30-40 l/min), la majeure partie de l’air inhalé l’est par la bouche. Ce faisant, le rôle de filtration du nez est alors court-circuité.

En effet, les particules de plus de 10 μm sont majoritairement piégées dans la muqueuse nasale puis sont détruites. En respirant par la bouche, la fonction de filtration du nez est réduite et davantage de particules entrent dans les bronches.

Quels risques pour la santé des athlètes professionnels ?

Ces dernières années, plusieurs événements sportifs majeurs ont été affectés par des épisodes de forte pollution, notamment suite à des feux de forêts, par exemple. Malheureusement, cette tendance devrait s’accentuer dans les années à venir, en partie à cause de la pollution due au changement climatique.

Pour l’instant, faute de données scientifiques pertinentes, au cours des événements sportifs, les recommandations des instances dirigeantes du sport et des organisateurs de courses sont quasiment inexistantes pour minimiser l’exposition à la pollution de l’air. Les études dédiées manquent aussi pour définir clairement des recommandations en direction des athlètes professionnels.

Certes, leur statut de sportifs de haut niveau leur assure une santé optimale, car ils pratiquent une activité physique régulière (à condition de ne pas se surmener). Cependant, l’accumulation des heures d’entraînement entraîne chez eux une exposition accrue aux polluants potentiellement contenus dans l’air inhalé, ce qui peut affecter non seulement leur santé, mais aussi leur performance.

Par ailleurs, actuellement, les normes de santé publique employées pour justifier la mise en place de mesures en cas de pollution atmosphérique se basent sur des périodes de 24 heures. Elles ne tiennent pas compte des situations générant de fortes expositions sur de courtes durées (quelques heures), qui sont typiques des événements sportifs.

Quelques recommandations pour adapter sa pratique en cas de pollution

En attendant de nouvelles recherches et une meilleure prise en compte réglementaire de ces situations, comment réagir en tant que sportif ?

Avant tout, mieux vaut privilégier la pratique sportive pendant les périodes de faible pollution. Pour surveiller l’indice de qualité de l’air, plusieurs solutions existent : certains sites Internet et applications pour smartphones fournissent cette information. C’est généralement le cas aussi des sites des municipalités ou, tout simplement, des bulletins météorologiques.

Si vous ignorez comment votre corps réagit à la pollution, soyez prudent. En cas de pic, réduisez votre volume d’entraînement ainsi que son intensité, et demeurez attentifs aux symptômes potentiels.

Il est aussi conseillé d’éviter de faire du sport à proximité de sources de pollution ou aux heures où celle-ci est susceptible d’augmenter. Par exemple, mieux vaut éviter de courir le long d’une route embouteillée au cours d’un pic de circulation, ou dans une zone industrielle (et ce, même lorsque la qualité de l’air est jugée correcte). Si possible, privilégiez les espaces verts, le bord de mer, etc.

Si vous devez absolument vous entraîner alors que les conditions sont dégradées, essayez de porter un masque répondant à la norme européenne FFP2 ou équivalent (norme américaine N95). Les masques filtrants N95 ont montré une efficacité de filtration de 99 % contre les particules fines PM₂⋅₅, et peuvent aussi protéger contre des polluants plus petits. Assurez-vous toutefois de bien le tolérer, et n’oubliez pas que, selon le masque considéré, son port n’empêchera pas l’ozone ou le dioxyde de carbone d’entrer dans vos voies respiratoires.

Et si vous êtes un athlète professionnel, gardez à l’esprit que pour optimiser votre entraînement, il faut vous préparer dans un environnement non pollué… même si une période d’acclimatation de quelques jours peut être décidée en cas de compétition en milieu pollué.The Conversation

Valérie Bougault, Maître de Conférences, Université Côte d’Azur et Frédéric Garrandes, Chercheur associé - Laboratoire Motricité Humaine, Expertise, Sport, Santé (LAMHESS), Université Côte d’Azur

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.
 

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