The Conversation : Comment les planètes naissent-elles ? La réponse pourrait se trouver dans les astéroïdes

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Publié le 21 novembre 2024 Mis à jour le 27 novembre 2024
Date(s)

du 21 novembre 2024 au 31 mai 2025

Le télescope infrarouge de la NASA au sommet du volcan endormi Mauna Kea, sur la grande île d’Hawaï, aux États-Unis
Le télescope infrarouge de la NASA au sommet du volcan endormi Mauna Kea, sur la grande île d’Hawaï, aux États-Unis - Jenly Chen/Flickr, CC BY-SA

La formation des planètes est une question fondamentale en astronomie. Comprendre comment elles se forment et évoluent est crucial pour déchiffrer le système solaire et au-delà.

Le télescope infrarouge de la NASA au sommet du volcan endormi Mauna Kea, sur la grande île d’Hawaï, aux États-Unis. Jenly Chen/Flickr, CC BY-SA

Il est bien connu par la théorie et les observations astronomiques que les planètes se forment dans des disques de gaz et de poussière autour d’étoiles très jeunes. Il est donc logique que les planètes de notre système solaire se soient également formées dans le disque protoplanétaire de notre soleil. Cela s’est produit il y a 4,5 milliards d’années.

Cependant la phase la plus obscure de la formation planétaire est peut-être la façon dont la poussière s’accumule dans un disque protoplanétaire pour donner naissance aux planétésimaux, les objets constitutifs des planètes.

Les modèles classiques reposaient sur une coagulation collisionnelle progressive, un processus où de petits grains de poussière s’agglomèrent petit à petit pour former des particules de plus en plus grosses par des collisions, allant de quelques micromètres jusqu’à la taille des planètes. Cependant, des tests en laboratoire ont montré que ces modèles ne fonctionnent pas, car ils rencontrent un certain nombre d’obstacles, par exemple, les grains de poussière ne peuvent pas croître par collisions successives d’une taille submillimétrique à une taille kilométrique.

Une nouvelle théorie

De nouveaux modèles suggèrent que les planétésimaux se forment à partir des nuages de poussière qui atteignent des densités suffisamment élevées pour se soutenir sur eux-mêmes par la gravité. C’est ce qu’on appelle la Streaming Instability, une théorie qui a pris de l’ampleur dans la communauté de planétologues. Différentes études ont montré que cette théorie reproduit bien la distribution des tailles des grands astéroïdes et des objets transneptuniens.

Pourtant, il n’était pas clair jusqu’où s’étendait la distribution des tailles prédite par cette théorie, c’est-à-dire si elle produisait beaucoup de petits planétésimaux ou s’il existait une taille minimale pour ces derniers.

D’autre part, différentes études trouvent une taille typique d’environ 100 km de diamètre pour les planétésimaux, suggérant ainsi que les petits agrégats de particules ne donnent pas nécessairement naissance à de petits planétésimaux. En effet, il semble que les petits agrégats se dispersent en raison de la turbulence du gaz dans le disque protoplanétaire avant d’avoir la possibilité de former des planétésimaux. Ces derniers se sont-ils formés, donc, à grande ou à petite échelle ? Une réponse définitive n’était pas encore établie.

À la recherche des planétésimaux survivants

Origins, un projet de recherche que je dirige et financé par l’Agence Nationale de la Recherche (ANR), a apporté une contribution originale dans ce domaine en utilisant une méthodologie novatrice. Celle-ci repose sur l’analyse d’observations et de données astronomiques pour identifier les planétésimaux encore survivants parmi la population des astéroïdes, afin de mesurer leur distribution de taille.

Ces planétésimaux sont localisés dans la partie interne de la ceinture d’astéroïdes, entre 2,1 et 2,5 unités astronomiques, cette dernière étant la distance moyenne Soleil-Terre. Cela a permis de fournir des contraintes observationnelles strictes aux modèles de formation des planétésimaux.

L’idée fondatrice de notre projet repose sur le concept selon lequel les astéroïdes représentent bien les vestiges de l’ère de formation des planètes, mais que tous les astéroïdes que l’on observe aujourd’hui ne sont pas des survivants de cette époque primordiale. Il est connu que de nombreux astéroïdes sont des fragments issus de collisions entre des corps parentaux plus volumineux. Ces collisions ont eu lieu tout au long de l’histoire de notre système solaire. L’âge de ces fragments d’astéroïdes correspond au temps écoulé depuis l’événement de collision qui les a produits jusqu’à aujourd’hui. Bien que ces fragments conservent encore la composition originale de leurs géniteurs, leurs dimensions et formes ne fournissent aucune information sur les processus d’accrétion ayant conduit à l’accrétion des planétésimaux, et par conséquent, des planètes. Les méthodes développées dans le cadre de notre projet ont efficacement distingué les astéroïdes originaux, ayant été accumulés en tant que planétésimaux dans le disque protoplanétaire, des familles des fragments résultant de collisions. Par la suite, elles ont également permis d’étudier les événements dynamiques qui ont contribué à sculpter la structure actuelle du système solaire.

Notre équipe a développé et utilisé une méthode pour découvrir, localiser et mesurer l’âge des familles des fragments de collisions les plus anciennes : chaque membre d’une famille de fragments s’éloigne du centre de la famille en raison d’une force thermique non gravitationnelle connue sous le nom d’effet Yarkovsky.

Cette dérive se produit de manière dépendante de la taille du membre de la famille, les petits astéroïdes dérivant plus rapidement et plus loin que les plus grands. La méthode novatrice de notre projet consistait à rechercher des corrélations entre la taille et la distance dans la population d’astéroïdes. Cela a permis de révéler les formes des familles de fragments les plus anciennes.

Des astéroïdes vieux de 3 à 4,5 milliards d’années

Grâce à cette technique, quatre familles importantes et très anciennes d’astéroïdes ont été découvertes par les chercheurs de notre projet. Ce sont parmi les familles d’astéroïdes les plus répandues. Leur extension est d’environ une moitié d’unité astronomique et ils sont localisés dans la partie plus interne de la ceinture d’astéroïdes et ont des âges entre 3 et 4,5 milliards d’années.

Cependant, une nouvelle méthode d’identification des familles d’astéroïdes nécessite encore des vérifications. L’une de ces vérifications consiste à déterminer la direction de rotation de chaque membre des familles.

Pour ce faire, les chercheurs ont lancé une campagne internationale d’observations appelée « Ancient asteroids », impliquant des astronomes professionnels et amateurs. Ils ont obtenu des observations photométriques des astéroïdes afin de mesurer leur variation de luminosité en fonction de leur rotation (courbe de lumière). Grâce à des méthodes d’inversion de courbe de lumière, l’équipe de notre projet a pu déterminer l’orientation tridimensionnelle des astéroïdes dans l’espace et extraire la direction de rotation. Cela a révélé que les astéroïdes rétrogrades se trouvent généralement plus près du Soleil que le centre des familles, tandis que les astéroïdes progrades se trouvent au-delà du centre des familles, conformément aux attentes théoriques. Ces recherches ont permis de confirmer l’appartenance de plusieurs astéroïdes aux familles très anciennes identifiées par notre équipe.

Une question scientifique majeure qui s’est posée après l’identification des astéroïdes les plus primordiaux était de savoir quelle était leur composition. Pour répondre à cette question, les scientifiques de l’ANR Origins sont retournés à leurs télescopes pour étudier spectroscopiquement ces corps. Leur investigation spectroscopique des planétésimaux de la ceinture principale interne a confirmé que les corps riches en silicates dominaient cette région. Cependant, presque tous les types spectraux d’astéroïdes sont présents, à l’exception notable des astéroïdes riches en olivine. Leur absence parmi les planétésimaux pourrait être due à la rareté de ces types parmi les grands astéroïdes.

Certains types d’astéroïdes sont très rares

Mais pourquoi les astéroïdes riches en olivine sont aussi rares ? On s’attend à ce que les astéroïdes les plus anciens soient riches en olivine en raison du processus de différenciation. Ce processus entraîne l’organisation d’un corps en couches de densités et de compositions différentes, en raison de la chaleur générée par la désintégration d’éléments radioactifs.

Les chercheurs ont découvert, pour la première fois, une famille de fragments d’astéroïdes riche en olivine, probablement formée par la fragmentation d’un corps parent partiellement différencié. Cette famille pourrait également provenir de la fragmentation d’un corps riche en olivine, peut-être issu du manteau d’un planétésimal différencié qui aurait pu se briser dans une région différente du système solaire, et l’un de ses fragments aurait pu être implanté dynamiquement dans la ceinture principale.

En effet, l’idée que des astéroïdes pourraient avoir été implantés dans la ceinture principale par des processus dynamiques a été largement étudiée ces dernières décennies. L’un de ces processus dynamiques pourrait être l’instabilité orbitale des planètes géantes. Cela suggère que Jupiter, Saturne, Uranus et Neptune se sont formés sur des orbites rapprochées avant de migrer vers leurs positions actuelles. Cette migration aurait pu déclencher des interactions gravitationnelles avec les planétésimaux, les déplaçant dans le système solaire primitif. Déterminer l’époque de cette instabilité est une question majeure car elle est cruciale pour comprendre son impact sur la déstabilisation des populations de petits corps, la perturbation des orbites des planètes telluriques, et éventuellement son rôle dans leur évolution.The Conversation

Marco Delbo, Directeur de recherche, chercheur au laboratoire Lagrange (Université Côte d’Azur, CNRS, Observatoire de la Côte d'Azur)

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.
 

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