Syndrome de Bosch-Boonstra-Schaaf : un nouveau défaut cérébral découvert

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Publié le 18 novembre 2020 Mis à jour le 14 janvier 2021
Date(s)

le 1 juillet 2020

scientifique manipulant des tubes à essai
scientifique manipulant des tubes à essai

Le syndrome de Bosch-Boonstra-Schaaf (BBSOAS), maladie génétique rare caractérisée par une déficience intellectuelle modérée à sévère, est causé chez l’homme par la mutation du gène NR2F1, codant pour un facteur clef du développement cérébral. L’équipe de Michèle Studer, Directrice de Recherche Inserm à l’Institut de Biologie Valrose, en collaboration avec plusieurs cliniciens français, vient de révéler un nouveau défaut cérébral associé à ce syndrome, notamment une malformation des circonvolutions du néocortex. Une double approche expérimentale, - d’un côté un modèle de souris mutantes qui recrée cette maladie, de l’autre la génération des organoïdes cérébraux in vitro - a permis de déchiffrer les mécanismes cellulaires et moléculaires à l’origine de cette malformation corticale, qui pourrait être en partie responsable des troubles de langage observés chez les enfants atteints par le BBSOAS. Ces travaux viennent d’être publiés dans la revue EMBO Journal.

Le néocortex, qui est la partie la plus évoluée du cerveau humain ainsi que la structure qui nous relie à l'environnement extérieur, coordonne nos mouvements, génère le langage et formule des pensées abstraites. Mais lorsque le développement cortical est compromis, comme cela se produit dans certains syndromes du neurodéveloppement, les jeunes patients peuvent être affectés par une déficience intellectuelle. C'est ce qui se produit dans le syndrome de Bosch-Boonstra-Schaaf (BBSOAS), une maladie génétique rare - une centaine d'enfants ont été décrits à ce jour dans le monde - caractérisée par des déficiences cognitives et visuelles, et causée par la délétion ou la présence de plusieurs mutations faux-sens du gène NR2F1.

Du fait de sa rareté, très peu d’informations sur l’origine de cette maladie sont à ce jour disponibles, et les causes des déficiences cognitives et du langage chez les enfants BBSOAS demeuraient encore inconnues. C'est pourquoi l'équipe du Dr Michèle Studer à l'iBV a décidé, en collaboration avec des neuroradiologues à Milan, d'analyser le cerveau de nouveaux patients BBSOAS en imagerie par résonance magnétique (IRM), à la recherche d'anomalies pouvant expliquer leurs déficits intellectuels. Les résultats sont spectaculaires : une malformation des circonvolutions du néocortex, dans une région corticale consacrée au langage, au raisonnement et à l'analyse numérique, jamais décrite auparavant chez ces patients. Ces malformations ont généralement une origine précoce dans le développement foetal, les rendant difficiles à investiguer. Pour cette raison le Dr Michele Bertacchi a étudié le développement du néocortex dans un modèle de souris mutante dans lequel le gène analogue à celui des patients, très conservé entre l’homme et la souris, est génétiquement modifié. C'est ainsi que les chercheurs ont compris que Nr2f1 contrôle la prolifération des progéniteurs neuronaux, ces cellules qui créent des neurones cérébraux au cours du développement. Nr2f1 agirait comme une horloge, déterminant où, quand et combien de neurones doivent être produit dans chaque zone corticale. Et il le ferait à travers une régulation fine du cycle cellulaire des progéniteurs, obtenue grâce au contrôle de dizaines, sinon de centaines, de gènes cibles qu'il régule, dont Pax6, un gène clé du développement cérébral. Il restait à voir si un tel mécanisme était évolutivement conservé dans les cellules humaines ainsi que dans les cellules de souris. Pour cette raison, Michele Bertacchi, a développé au laboratoire la technique de culture des organoïdes du cerveau humain préalablement apprise dans l’équipe du Dr Silvia Cappello à Munich. Ce système cellulaire permet de reconstituer et de mimer in vitro l'organisation du cerveau humain. En modulant l'expression de NR2F1 dans les organoïdes, les chercheurs ont reproduit des résultats compatibles avec ceux obtenus avec le modèle souris : NR2F1 régule finement la prolifération des progéniteurs et le nombre de neurones produits.

Cette étude représente une première étape vers la compréhension des mécanismes génétiques qui régulent la production de neurones dans le temps et dans l'espace, conduisant au développement d'un cerveau avec une organisation neuronale correcte. Les malformations corticales observées chez les patients BBSOAS pourraient donc être causées par une production neuronale dérégulée, et être à l'origine des troubles cognitifs et de langage, diagnostiqués chez les jeunes patients.

Contacts
Michèle Studer, DR1 Inserm Equipe Development and Function of Brain Circuits Equipe labellisée Fondation pour la Recherche Médicale Equipe LABEX SIGNALIFE Institut de Biologie Valrose (iBV) - - http://ibv.unice.fr/research-team/studer/ 
Michele Bertacchi, iBV et Fondazione IRCCS, Istituto Neurologico Carlo Besta, Milan -
Communication iBV : Michel Bidet 04 89 15 08 05

Schema Studer

Les organoïdes cérébraux, obtenus à partir des cellules souches embryonnaires, sont des amas de cellules neuronales en trois dimensions capables de reproduire le développement du cerveau humain in vitro. Les chercheurs ont trouvé que le gène NR2F1 (en rouge) s’exprime dans les progéniteurs neuronaux positifs pour PAX6 (en vert), un autre gène clef du neurodéveloppement, en régulant ses niveaux d’expression (d’où les différentes tonalités de jaune). La balance entre ces deux gènes qui régulent la dynamique du cycle cellulaire est essentielle pour la production des progéniteurs et des neurones corticaux, générant un cortex cérébral avec une organisation cellulaire correcte.