le 26 mars 2020
La France vient d’entrer dans l’état d’urgence sanitaire avec le titre I de la loi du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de Covid 19, parue au Journal officiel du 24 mars. Le Premier ministre l’a présenté comme structuré sur le modèle de l’état d’urgence de droit commun. De quoi s’agit-il ?
Il a été établi par une loi du 3 avril 1955, au début de ce qui n’était pas encore appelé guerre d’Algérie. C’est donc une situation de crise grave qui en est à l’origine. Il peut être déclaré soit en cas de péril imminent résultant d’atteintes graves à l’ordre public, soit en cas de calamité publique (catastrophe naturelle d’une ampleur exceptionnelle). Il est resté en vigueur du 14 novembre 2015 au 1° novembre 2017 suite aux attentats terroristes à Paris.
L’état d’urgence sanitaire est donc une déclinaison de cette législation générale, appliquée en l’espèce à une pandémie : le CD 19. De ce fait l’intervention du législateur était nécessaire, seul à même d’autoriser des restrictions importantes aux droits et libertés des citoyens.
Le Parlement a aussi autorisé le gouvernement à prendre par ordonnances un certain nombre de mesures, en matière économique en particulier. Prévues à l’article 38 de la Constitution, votées par le Parlement, elles permettent au gouvernement d’intervenir dans le domaine de la loi durant un délai préfixé, ce qui facilite la rapidité d’adoption des mesures. A l’expiration du délai, le Parlement vote sur ces textes, et soit les entérine soit les rejette. Pas moins de 25 projets d’ordonnance ont été présentés au conseil des ministres du 25 mars !
Quelle est la durée non pas de la loi du 23 mars mais des dispositions prises pour l’urgence sanitaire ? Elles prennent fin en même temps que l’état d’urgence sanitaire, ce qui ne signifie pas forcément dés la fin de l’épidémie. Tout dépend de la situation. En outre des mesures peuvent être adoptées après la fin de l’état d’urgence sanitaire afin d'assurer la disparition durable de la situation de crise sanitaire (article L. 3131-1 du Code de la Santé Publique).
Le confinement résulte des dispositions que le Code de la santé publique autorise avec la nouvelle loi (article L. 3131-15 1° à 10° CSP). La palette en est étendue :
- Restreindre ou interdire la circulation des personnes et des véhicules dans les lieux et aux heures fixés par décret
- Interdire aux personnes de sortir de leur domicile, sous réserve des déplacements strictement indispensables aux besoins familiaux ou de santé
- Ordonner des mesures ayant pour objet la mise en quarantaine, au sens de l'article 1er du règlement sanitaire international de 2005, des personnes susceptibles d'être affectées
- Ordonner des mesures de placement et de maintien en isolement, au sens du même article 1er, à leur domicile ou tout autre lieu d'hébergement adapté, des personnes affectées
- Ordonner la fermeture provisoire d'une ou plusieurs catégories d'établissements recevant du public ainsi que des lieux de réunion, à l'exception des établissements fournissant des biens ou des services de première nécessité
- Limiter ou interdire les rassemblements sur la voie publique ainsi que les réunions de toute nature
- Ordonner la réquisition de tous biens et services nécessaires à la lutte contre la catastrophe sanitaire ainsi que de toute personne nécessaire au fonctionnement de ces services ou à l'usage de ces biens. L'indemnisation de ces réquisitions est régie par le code de la défense
- Prendre des mesures temporaires de contrôle des prix de certains produits rendues nécessaires pour prévenir ou corriger les tensions constatées sur le marché de certains produits ; le Conseil national de la consommation est informé des mesures prises en ce sens
- En tant que de besoin, prendre toute mesure permettant la mise à la disposition des patients de médicaments appropriés pour l'éradication de la catastrophe sanitaire
- En tant que de besoin, prendre par décret toute autre mesure réglementaire limitant la liberté d'entreprendre, dans la seule finalité de mettre fin à la catastrophe sanitaire
Les atteintes aux libertés peuvent s’avérer considérables, à la hauteur de l’enjeu crucial pour la nation et l’Etat. Mais ces dispositions ne sont adoptées que pour une durée déterminée : la loi au-delà d’un mois précise la durée de l’état d’urgence, fixé en l’espèce d’emblée pour gagner du temps à deux mois par le législateur lui-même (article 4 de la loi du 23 mars).Il peut évidement être renouvelé, mais la loi rappelle qu’il est mis fin sans délai aux mesures lorsqu’elles ne sont plus nécessaires.
De plus elles sont strictement nécessaires et proportionnées aux risques sanitaires encourus et appropriées aux circonstances de temps et de lieu. Le juge administratif (le Conseil d’Etat au premier chef) y veillera, en particulier s’il est saisi en référé liberté et référé suspension, procédures d’urgence qui ont fait la preuve de leur efficacité.
Les motivations de l’adoption de l’état d’urgence sont laissées au pouvoir discrétionnaire qui est celui de l’autorité administrative, mais les données scientifiques disponibles sur la situation sanitaire qui ont motivé la décision sont rendues publiques (art. L. 3131-13 CSP).Au demeurant, en cas de déclaration de l'état d'urgence sanitaire, il est réuni sans délai un comité de scientifiques. Son président est nommé par décret du Président de la République. Il comprend deux personnalités qualifiées respectivement nommées par le Président de l'Assemblée nationale et le Président du Sénat ainsi que des personnalités qualifiées nommées par décret. Le comité rend périodiquement des avis sur l'état de la catastrophe sanitaire, les connaissances scientifiques qui s'y rapportent et les mesures propres à y mettre un terme, et est dissous lorsque prend fin l'état d'urgence sanitaire (art. L. 3131-19 CSP).
Enfin le Parlement joue son rôle de contrôleur de l’exécutif ( qui certes porte mal son nom), puisqu’hormis l’autorisation législative de prorogation au-delà d’un mois et la fixation de la durée de l’état d’urgence sanitaire, L'Assemblée nationale et le Sénat sont informés sans délai des mesures prises par le Gouvernement au titre de l'état d'urgence sanitaire et peuvent requérir toute information complémentaire dans le cadre du contrôle et de l'évaluation de ces mesures.