Quels sont les points d'entrée pour le SRAS-CoV-2 lors d’une infection COVID-19 ?
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le 24 avril 2020
Deux types de cellules nasales ont été identifiés comme des points d'infection initiaux probables pour le nouveau coronavirus qui cause le COVID-19. À l'aide des données de l'atlas des cellules humaines, les scientifiques ont découvert que les cellules caliciformes et multiciliées du nez exprimaient des niveaux élevés des protéines d'entrée que le SRAS-CoV-2 utilise pour pénétrer dans nos cellules. L'identification de ces cellules par des chercheurs de l'Institut Sanger, du Centre médical universitaire de Groningue, de l’Institut de Pharmacologie Moléculaire et Cellulaire et du Centre Hospitalier Universitaire de Nice et de leurs collaborateurs, dans le cadre du Réseau Poumon du consortium HCA (Human Cell Atlas), pourrait aider à expliquer le taux de transmission élevé de SRAS-CoV-2.
Rapportée aujourd'hui (23 avril) dans Nature Medicine, cette première publication issue du « Lung Biological Network » s’intègre dans un effort international exploitant les données de l'Atlas des cellules humaines pour mieux comprendre les infections et les maladies humaines. Il montre en outre que les cellules de l'œil et de certains autres organes tels que le système digestif ou le cœur contiennent également les protéines d'entrée virale. L'étude révèle également comment une protéine d'entrée clé est régulée avec d'autres gènes du système immunitaire, fournissant des cibles potentielles pour le développement de traitements susceptibles de réduire la transmission.
La nouvelle maladie liée aux coronavirus - COVID-19 - affecte principalement les poumons et les voies respiratoires. Les symptômes du patient peuvent être pseudo-grippaux, avec de la fièvre, de la toux et des maux de gorge. Certaines personnes peuvent ne ressentir aucun symptôme tout en ayant la capacité de transmettre le virus. Dans les plus mauvaises situations, le virus provoque une pneumonie qui peut finalement entraîner la mort. On pense que le virus se propage par le biais de gouttelettes respiratoires produites lorsqu'une personne infectée tousse ou éternue, et semble se transmettre facilement dans les zones touchées. A ce jour (18 avril 2020), on estime que le virus s'est propagé dans plus de 185 pays et a fait plus de 182 000 morts *.
Identifier les types de cellules impliqués dans l'infection
Les scientifiques du monde entier tentent de comprendre exactement comment fonctionne le virus, pour aider à prévenir la transmission et développer un vaccin. Bien qu'il soit connu que le virus qui cause la maladie COVID-19, connu sous le nom de SRAS-CoV-2, utilise un mécanisme similaire ** d’infection qu’un coronavirus apparenté qui provoqua l'épidémie de SRAS de 2003, les types cellulaires exacts qui étaient impliqués lors de l’infection nasale n'avaient pas été localisés précisément.
Pour découvrir quelles cellules pourraient être impliquées dans COVID-19, les chercheurs ont analysé plusieurs ensembles de données du consortium Human Cell Atlas (HCA), provenant de plus de 20 tissus différents de personnes non infectées, sur lesquelles ont été appliquées des méthodes expérimentales sophistiquées permettant la mesure en parallèle de tous les gènes exprimés dans des milliers de cellules. Il s'agissait notamment de cellules du poumon, de la cavité nasale, des yeux, des intestins, du cœur, des reins et du foie. Les chercheurs ont recherché quelles cellules individuelles exprimaient les deux protéines d'entrée clés utilisées par le virus COVID-19 pour infecter nos cellules.
Le Dr Waradon Sungnak, du Wellcome Sanger Institute et premier auteur de l'article, a déclaré: «Nous avons constaté que la protéine réceptrice - ACE2 - et la protéase TMPRSS2 qui peuvent activer l'entrée du SRAS-CoV-2 sont exprimées dans les cellules de différents organes, y compris certaines cellules sur la paroi interne du nez. Nous avons ensuite révélé que les cellules caliciformes productrices de mucus et les cellules multiciliées du nez exprimaient les niveaux les plus élevés de ces deux molécules, impliquées dans l’entrée du virus COVID-19, par rapport à toutes les cellules des voies respiratoires. Cela fait de ces cellules la voie d'infection initiale la plus probable pour le virus. »
Les cellules du nez sont très accessibles au virus
Le Dr Martijn Nawijn, du University Medical Center Groningen aux Pays-Bas a déclaré au nom du HCA Lung Biological Network: « C'est la première fois que ces cellules particulières du nez sont associées à COVID-19. Bien que de nombreux facteurs contribuent à la transmissibilité du virus, nos résultats concordent avec les taux d'infection rapide du virus observés jusqu'à présent. L'emplacement de ces cellules à l'intérieur de la cavité nasale les rend très accessibles au virus et peut rendre compte de la transmission importante à d'autres personnes. »
ACE2 et TMPRSS2 ont également été trouvées dans les cellules de la cornée de l'œil, suggérant une autre voie d'infection possible via les yeux et les glandes lacrymales. De même, leur présence dans la muqueuse de l'intestin peut également révéler une potentiel transmission fécale-orale.
Lorsque des cellules sont endommagées ou luttent contre une infection, divers gènes de la réponse immunitaire sont activés. L'étude a montré que la production d’ACE2 dans les cellules du nez est probablement activée en même temps que ces autres gènes immunitaires.
Des résultats auxquels ont contribué une équipe de chercheurs et de cliniciens niçois à travers la constitution d’un atlas des voies aériennes
La pandémie actuelle liée au COVID-19 n’est pas la seule pathologie à menacer nos voies respiratoires. Les incidences de pathologies comme les bronchopneumopathies obstructives, les maladies allergiques, l’asthme ou la fibrose pulmonaire augmentent régulièrement et sont des causes majeures de mortalité à l’échelle mondiale. C’est avec ces problématiques en tête que les équipes niçoises de Pascal Barbry (UCA CNRS) et Sylvie Leroy (CHU Nice) ont mis en place une cartographie systématique des gènes exprimés dans toutes les cellules présentes aux différents niveaux des voies aériennes, qu’ils ont prélevé chez des volontaires sains lors d’un geste médical courant : la bronchoscopie. « Nous avons ainsi pu analyser près de 100 000 cellules individuelles à partir des prélèvements recueillis. Cela nous a permis de constituer une gigantesque base de données à partir de laquelle il devenait possible de rechercher un ou plusieurs gènes particuliers », explique le Dr Pascal Barbry, de l’Institut de Pharmacologie Moléculaire et Cellulaire de Sophia Antipolis, qui est également un des 4 coordinateurs du HCA Lung Biological Network. « A partir de cette étude initiale, il devenait possible d’identifier les cellules cibles du virus dans les voies aériennes, pour fournir ainsi une base rationnelle pour comprendre les mécanismes de dommages et orienter les choix de traitement. »
« Nos études ont été croisées avec celles d’une vingtaine de groupes collaborateurs au sein du consortium Human Cell Atlas, ce qui nous a permis de rechercher un contexte cellulaire exact à la maladie. Dans le cas de COVID-19, le fait de connaître les cellules qui servent de portes d'entrée aux virus nous aide à réfléchir aux raisons pour lesquelles un virus peut être facilement transmis entre les personnes. Ce premier travail permet d’orienter les chercheurs vers les bonnes cellules et les tissus importants à étudier», a déclaré le Docteur Sylvie Leroy (CHU Nice).
Utiliser l'Atlas des cellules humaines pour comprendre COVID-19
Le travail a donc été réalisé dans le cadre du consortium mondial Human Cell Atlas qui vise à créer des cartes de référence de toutes les cellules humaines pour mieux comprendre la santé humaine et le développement des maladies. Plus de 1 600 personnes dans 70 pays sont impliquées dans la communauté HCA, et les données sont rendues librement accessibles aux scientifiques du monde entier.
Le Dr Sarah Teichmann, auteur principal du Wellcome Sanger Institute et co-directrice du comité d'organisation du HCA, a déclaré: « Alors que nous construisons l'Atlas des cellules humaines, il est déjà utilisé pour comprendre COVID-19 et identifier lesquelles de nos cellules sont essentielles pour l'infection et la transmission initiales. Ces informations peuvent être utilisées pour mieux comprendre comment se propage le coronavirus. Savoir quels types de cellules exacts est important pour la transmission du virus fournit également une base pour développer des traitements potentiels pour réduire la propagation du virus. »
Le réseau « HCA Lung Biological Network » continue d'analyser les données afin de fournir des informations supplémentaires sur les cellules et les cibles susceptibles d'être impliquées dans COVID-19, et de les relier aux caractéristiques des patients.
Le professeur Sir Jeremy Farrar, directeur du Wellcome Trust, a déclaré: « En identifiant les caractéristiques exactes de chaque type de cellule, Human Cell Atlas aide les scientifiques à diagnostiquer, surveiller et traiter les maladies, y compris le COVID-19, d'une toute nouvelle manière. Les chercheurs du monde entier travaillent à un rythme sans précédent pour approfondir notre compréhension de COVID-19, et cette nouvelle recherche en est la preuve. Collaborer au-delà des frontières et partager ouvertement la recherche est essentiel pour développer rapidement des diagnostics, des traitements et des vaccins efficaces, garantissant qu'aucun pays n'est laissé pour compte. »
Le travail de l’équipe niçoise, composée de Christophe Bécavin, Laure-Emmaunuelle Zaragosi, Sylvie Leroy et Pascal Barbry, a notamment été soutenu par le Fondation Chan Zuckerberg, la Commission de l'Union européenne, la Fondation pour la Recherche Médicale, l’Agence Nationale de la Recherche et le Conseil Départemental CD06. La liste complète des bailleurs de fonds est fournie dans l’article.
Notes
*https://gisanddata.maps.arcgis.com/apps/opsdashboard/index.html#/bda7594740fd40299423467b48e9ecf6
** Le mécanisme moléculaire d'entrée de COVID-19 se fait par la combinaison d’une serrure (le récepteur ACE2, à la surface de la cellule humaine infectée) et d’une clé, correspondant à une protéine exprimée à la surface du virus. Zhou et al 2020 Nature ont démontré que le COVID-19 utilise le même récepteur d'entrée cellulaire - l'enzyme de conversion de l'angiotensine II (ACE2) - que le CoV-SAR. Le virus utilise également une seconde protéine à l'intérieur de la cellule - la protéase TMPRSS2 - pour terminer son entrée et permettre au virus de se multiplier et de se propager.
§ The Human Cell Atlas: L'Atlas des cellules humaines (HCA) est un consortium international qui vise à créer des cartes de référence complètes de toutes les cellules humaines afin de mieux comprendre la santé humaine, de mieux diagnostiquer, surveiller et traiter les maladies. Le HCA est dirigé et géré par un comité d'organisation, qui est coprésidé par le Dr Sarah Teichmann du Wellcome Sanger Institute (Royaume-Uni) et le Dr Aviv Regev du Broad Institute du MIT et de Harvard (États-Unis).
Le réseau biologique « poumon » de l'Atlas des cellules humaines est un consortium de 71 scientifiques qui collaborent à la cartographie des cellules des voies respiratoires de notre corps. Ce groupe est coordonné par les docteurs Martijn Nawijn, Pascal Barbry, Alexander Misharin et Jayaraj Rajagopal.
Pour plus d'informations sur les recherches du HCA sur COVID, voir : https://www.humancellatlas.org/covid-19/
Les données de cette recherche sont disponibles à l'adresse suivante : https://www.covid19cellatlas.org
Publication:
Waradon Sungnak et al. (2020) Single-Cell Transcriptomics Data Survey Reveals SARS-CoV-2 Entry Factors Highly Expressed in Nasal Epithelial Cells Together with Innate Immune Genes. Nature Medicine. DOI : 10.1038/s41591-020-0868-6
Funding:
Ce travail a été soutenu par Wellcome, l'initiative Chan Zuckerberg, la Commission de l'Union européenne et d'autres bailleurs de fonds. Veuillez consulter le document pour obtenir la liste complète des bailleurs de fonds.
Contacts :
Dr Pascal BARBRY - Directeur de Recherche CNRS Institut de Pharmacologie Moléculaire et Cellulaire +336-72-10-18-20 |
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Figure 1 : plages de verre dépoli bilatérales sur un scanner thoracique au cours d’une pneumonie débutante liée à l’infection au virus SARS-CoV-2 (crédit photo : Pr CH Marquette, Université Côte d’Azur) |
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Figure 2 : arbre bronchique au niveau des divisions bronchiques distales |
Figure 3 : réalisation d’un prélèvement tissulaire au niveau des divisions bronchiques distales dans le cadre du projet Human Cell Atlas (crédit photo : Pr CH Marquette, Université Côte d’Azur) |