Prix Nobel 2023 : l’ARN sur le devant de la scène

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Publié le 8 novembre 2023 Mis à jour le 2 mai 2024
Date(s)

du 8 novembre 2023 au 30 novembre 2023

Unsplash - Anastacia Dvi

Le prix Nobel de médecine 2023 a été décerné à deux scientifiques pour leurs travaux et découvertes ayant permis le développement d’un vaccin à ARN messager. Retour sur cette technologie qui a bouleversé le monde de la recherche et de la santé avec Bernard Mari, chercheur CNRS à Université Côte d’Azur.  

Petit rattrapage pour celles et ceux qui n’auraient pas suivi l’actualité des récompenses de l'Académie royale des sciences. Le lundi 2 octobre 2023, Katalin Karikó et Drew Weissman, ont reçu le prix Nobel de médecine "pour leurs découvertes concernant les modifications des bases nucléosidiques qui ont permis le développement de vaccins à ARN messagers efficaces contre le COVID-19." La biochimiste, ancienne vice-présidente de BioNtech, et l’immunologiste à l’université de Pennsylvanie ont ainsi contribué au développement rapide du vaccins contre le COVID-19. L’occasion est trop belle pour ne pas en profiter et revenir sur le fonctionnement de cette technologie innovante.  
 
Bernard Mari

Reprenons les bases  

L’ARN messager est une molécule naturelle qui constitue un intermédiaire entre notre génome (à savoir notre matériel génétique, notre ADN), et nos protéines, éléments essentiels au bon fonctionnement du corps. Introduit dans une cellule, les bases nucléosidiques qui composent l’ARN messager sont lues et dictent quelle protéine fabriquer et à quel moment. L’idée du vaccin à ARN messager est de détourner cette machinerie cellulaire pour lui faire produire une protéine particulière. Bernard Mari raconte : « les travaux sur cette molécule ne datent pas d’hier. En effet, l’ARN messager a été découvert dans les années 60 et dès les années 90, la volonté de l’utiliser dans la vaccination a émergé. »  

Dans le cadre du vaccin contre la pandémie de COVID-19, la molécule d’ARN messager injectée est synthétisée pour induire la fabrication d’une protéine du virus SARS-CoV2 : Spike. Notre système immunitaire la reconnait comme étrangère et produit des anticorps pour la combattre. Si par la suite nous sommes exposés au virus, notre corps est alors prêt à réagir.  

« Pile-poil au bon moment » 

L’ARN messager était considéré comme difficile à utiliser car il se dégrade facilement et provoque des réactions inflammatoires importantes. En 2005, Katalin Karikó et Drew Weissman ont découvert comment le modifier. Dans quel intérêt ? Pour le stabiliser, améliorer la production de protéines et diminuer son effet inflammatoire. Ensuite, d’autres travaux ont ouvert une nouvelle porte en permettant le développement des capsules lipidiques pour protéger l’ARN messager et faciliter son entrée dans la cellule.  

Par ailleurs, avant même la pandémie de COVID-19, Moderna travaillait déjà sur le premier coronavirus responsable d’infection respiratoire chez l’homme. Ainsi, la protéine Spike du virus avait été caractérisée. Bernard Mari résume : « normalement il faut faire de nombreuses études avant de sortir un vaccin. Là où c’est assez incroyable, c’est que ce soit tombé pile-poil au bon moment. Les chercheurs savaient déjà comment modifier et intégrer l’ARN messager, ainsi que la protéine à faire exprimer. »                   

Ainsi, en 2020 lorsque le monde subit l’assaut d’un ennemi invisible, la technologie en est à son aboutissement. Contrairement aux autres vaccins, elle est adaptable et a permis à Pfizer/BioNtech et Moderna d’entrer dans la légende. 

Qu’en est-il aujourd’hui ? 

Après une campagne de vaccination de masse, le cours de la pandémie a pris un tournant. Selon une étude des chercheurs de l’Imperial College de Londres, 19,8 millions de décès auraient été évités. Avec une entrée en matière qui ne passe pas inaperçue, les vaccins à ARN messagers n’en sont qu’à leur coup d’essai et annoncent de grandes innovations.  

« L’enjeu maintenant ce sont les vaccins anti-cancer, précise Bernard Mari. L’idée est d’en développer un qui stimulerait la réponse immunitaire du patient contre la tumeur et induirait une réponse forte. Visiblement ça marche très bien chez la souris, il y a des essais chez l’homme, on attend confirmation. » Leur flexibilité et la rapidité avec laquelle ils peuvent être développés sont prometteuses. Ils ouvrent la voie à la mise au point de vaccins contre d’autres maladies infectieuses et pourraient devenir un atout important de la médecine du futur.