Menace souterraine : découverte majeure autour des chromosomes de vers parasites

  • Recherche
Publié le 9 février 2024 Mis à jour le 9 février 2024
Date(s)

le 5 février 2024

fields
fields

Des chercheurs d’Université Côte d’Azur, d’INRAE et du CNRS ont découvert une caractéristique génétique unique chez des vers parasites. En explorant le génome de ces ravageurs, ils ont identifié des singularités à l’extrémité de leurs chromosomes qui pourraient constituer une faille à exploiter. Des résultats novateurs parus le 5 février dans Nature Communications.

Les nématodes sont un groupe contenant des centaines de milliers d’espèces de vers parmi lesquels on trouve de dangereux parasites de plantes et d’animaux. Au sein des vers parasites de plantes, les nématodes à galles constituent l’ennemi public numéro 1. Présents sur tout le globe, ils détruisent plus de 10 % de la production agricole mondiale, en s’attaquant aux racines de plus de 4 000 plantes différentes.

Depuis 2007, une équipe multidisciplinaire de chercheurs d’Université Côte d’Azur, d'INRAE, du CNRS décode et analyse le génome de ces vers parasites des racines. Ces travaux, axés sur l'identification de singularités génétiques, ont récemment atteint un nouveau jalon majeur.
En effet, l’analyse minutieuse de ces génomes a montré que les chromosomes des nématodes à galles commencent et terminent d’une façon complètement inédite dans le monde du vivant. Nos chromosomes, tout comme ceux des animaux, des plantes et des champignons, sont protégés à leurs extrémités par des régions particulières appelées télomères et servant de balises. Leur raccourcissement au cours des divisions cellulaires cause le vieillissement et leur dérèglement est responsable de nombreux cancers. 

Généralement, les télomères sont composés d’un court motif d’ADN répété et très conservé formant des complexes avec des protéines et de l’ARN aux extrémités des chromosomes. Cependant, ceux des nématodes à galles sont totalement inédits. L’ADN de leurs télomères a une structure complexe, composée d’un enchevêtrement unique de motifs répétés, n’ayant aucune similitude avec les motifs présents chez d'autres formes de vie. De plus, les protéines classiquement associées aux télomères chez les autres espèces de nématodes et d’animaux font également défaut dans les génomes de ces vers parasites.

Les implications de cette découverte sont conséquentes. Tout d’abord, elle révèle des régions aux extrémités des chromosomes uniques par leur complexité et hétérogénéité. Celles-ci pourraient constituer de nouvelles structures de télomères sans équivalence à ce jour dans le monde du vivant et posant de nombreuses questions quant à leur origine, leur fonctionnement et leur implication sur la dynamique et la stabilité du génome. Par ailleurs, cette singularité constitue un possible maillon faible à exploiter pour lutter de manière plus ciblée contre ces vers ravageurs de cultures. Perturber le fonctionnement des télomères pourrait impacter la survie de ces vers. Et comme les séquences d’ADN de ces télomères leur sont uniques, les cibler de manière précise aurait peu de chance d’impacter les autres espèces.
Avant d’en arriver là, de nombreuses recherches seront encore nécessaires afin notamment d’identifier les protéines et les ARN interagissant au niveau des télomères et décrypter leur fonctionnement.


Des répercussions chez d’autres vers parasites ?

De manière intéressante, les analyses menées par ces chercheurs ont montré que les motifs d’ADN simples et les protéines associées aux télomères font également défaut dans au moins 2 familles de vers parasites des humains et d’animaux d’élevages ou domestiques (chevaux, caprins et ovins), responsable notamment de l’anguillulose ou de la trichinellose. 
 
Référence

Mota, A.P.Z., Koutsovoulos, G.D., Perfus-Barbeoch, L. et al. Unzipped genome assemblies of polyploid root-knot nematodes reveal unusual and clade-specific telomeric repeats. Nat Commun 15, 773 (2024). https://doi.org/10.1038/s41467-024-44914-y

Contact scientifique

Etienne Danchin -  etienne.danchin@inrae.fr
Unité de recherche Institut Sophia Agrobiotech (ISA)
Département scientifique « Santé des Plantes et Environnement (SPE) »
Centre INRAE Provence-Alpes-Côte d'Azur