La mer a la parole : un tribunal d’opinion mêlant formation juridique et scientifique

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Publié le 18 novembre 2020 Mis à jour le 15 février 2021
Date(s)

le 21 février 2019

photo de l'évènement tribunal de l'océan
photo de l'évènement tribunal de l'océan

Le tribunal de l’Océan s’est tenu le 15 février 2019 à la faculté de Droit et de Science Politique. L’objectif de ce procès fictif était de réaliser un état des lieux sur les menaces de la pollution plastique dans la Mer Méditerranée mais également sur le droit qui l’encadre. Les étudiants d’Université Côte d’Azur ont pu se frotter au redoutable exercice de plaidoirie et proposer des solutions concrètes quant à l’avenir du milieu marin.

L’idée d’un tribunal d’opinion consacré à la pollution plastique dans la Mer Méditerranée est inédite. Le tribunal d’opinion se caractérise par une assemblée délibérative dans laquelle des personnalités dénoncent des faits considérés comme répréhensibles, en rapport avec le droit international. A l’issue de ce tribunal, les juristes ou bénévoles remettent des avis consultatifs au jury, qui seront délivrés aux autorités compétentes. A l’initiative de ce projet, une pointure du droit, Michel Prieur, Professeur émérite agrégé de Droit et Président du Centre International de Droit Comparé de l’Environnement (CIDCE) et de l’Organisation Internationale de la Francophonie (OIF). Présidé par Nilufer Oral, Professeure de droit international à Istanbul, ce tribunal avait pour finalité de « responsabiliser les acteurs publics et privés sur la question de la pollution des mers par les déchets plastiques » afin de négocier une convention internationale.

Le tribunal de l’Océan poursuivait une dynamique pluridisciplinaire : « Nous avons réuni des scientifiques et des juristes pour contribuer à faire prendre conscience des menaces qui pèsent sur la survie de nos océans » explique le Professeur de droit d’Université Côte d’Azur, Pascale Steichen, greffière et co-organisatrice de cette audience hors norme.

Un procès en conditions réelles

La Science et le Droit étaient à l’honneur pendant plus de six heures de procès. Après avoir enfilé leur robe, le top départ a été lancé peu après 13h30 par la Présidente du tribunal des Océans, Oral Nilufer : « Le problème de la pollution plastique pose un grand défi pour la communauté internationale ». L’audience s’ouvre avec les arguments de la Mer Méditerranée, représentée par des étudiantes de première année du MSc Science, Conservation et Valorisation des ressources marines (MARRES), qui présentaient l’aspect scientifique de la pollution plastique dans la Mer Méditerranée, la mer la plus polluée au monde. C’était ensuite aux étudiants en Master 2 Juriste du risque et du Développement Durable de prendre la relève et d’exposer l’aspect juridique. Ils expliquent, entres autres, qu’une tortue de mer sur deux ingère de la matière plastique. La situation est d’autant plus grave que les poissons qui avalent ce type de déchets, plastiques ou micro-plastiques, se retrouvent à posteriori dans nos assiettes. Le groupe d’étudiants demande aux dirigeants des Etats « de prendre leurs responsabilités ». Dénonçant des mesures insuffisantes « voire utopiques », la Mer Méditerranée attaque en justice l’Union Européenne et l’Etat français.

« La situation est alarmante, si on continue, en 2050, on aura plus de chance de croiser un plastique plutôt qu’un poisson dans la mer méditerranée » prévient Rémy, étudiant en droit.

Un objectif pédagogique

 Il s’en est suivi une série de plaidoiries et de questions des membres du tribunal. « Aujourd’hui, le tribunal des Océans vous envoie un message, un message d’alerte » avertit Rémy, étudiant en Master 2 « Juristes des risques et du Développement Durable ». Cette audience est une véritable opportunité pour les étudiants d’Université Côte d’Azur puisqu’ils ont pu développer des compétences comme l’écoute, la collaboration, l’argumentation juridique. Cet entrainement est d’autant plus important pour Remy qui souhaite devenir avocat : « de faire une vraie plaidoirie devant un public et sur une matière aussi importante, c’est ce qui m’intéresse » se félicite-t-il. Martin, étudiant en Master « Droit de la mer et des activités maritimes », a eu la lourde tâche de défendre les fabricants et distributeurs de plastiques. Souhaitant se spécialiser dans la protection de l’environnement, ce tribunal des Océans est pour lui « le plus gros projet de l’année ». Martin a développé un argumentaire sur la responsabilité sociétale et environnementale des entreprises, pointant notamment le comportement des consommateurs, dont les industriels ne sont pas responsables. Un peu stressé, il explique que l’objectif principal de cette audience est de « faire un projet qui soit le plus représentatif possible d’une vraie conférence », avant d’ajouter, « et d’explorer les pistes de chaque partie afin de proposer des solutions ».

L’environnement, un enjeu d’avenir

L’étudiant en « Droit de la mer et des activités maritimes » déplore l’exploitation lamentable des océans, « c’est une priorité dans le droit de l’environnement » affirme-t-il. Remy rejoint complétement l’avis tranché de son camarade : « le constat est catastrophique ». Le tribunal des Océans est l’occasion de sensibiliser à la problématique du plastique, qui est l’un des plus gros fardeaux pour notre belle planète bleue : « montrer les enjeux et les dangers pour la génération future » renchérit Remy. Des témoins se sont succédé à la barre, dont la navigatrice niçoise, Alexia Barrier. Il est évident que depuis plusieurs années, l’urgence environnementale est au centre des discussions. La pollution plastique engendre un bilan désastreux, que la communauté internationale a été forcée de constater, « on voit apparaitre des premiers gestes, des premières mesures, mais c’est encore trop prudent, il faut aller plus loin » appelle Remy.

« C’est aujourd’hui qu’il faut agir »

La question de l’environnement est au cœur de la politique actuelle, le thème de la transition écologique se trouvant notamment dans le Grand Débat National organisé le 15 janvier dernier par le Président de la République. La pollution par la matière plastique est également étudiée en Science et en Biologie. Léa, étudiante en Master 2 Science « Conservation et Valorisation des ressources naturelles » représentait les consommateurs pendant l’audience. Elle a accepté de participer à ce tribunal d’opinion afin d’y apporter son point de vue scientifique. Le Droit et les Sciences étant étroitement liés, Léa semblait ravie de contribuer au tribunal de l’Océan, « de voir comment les propositions des scientifiques peuvent être appliquées juridiquement, c’est très important » explique-t-elle. Léa et son camarade, François, sont intervenus en évoquant la chaine alimentaire et ses impacts sur les animaux et sur l’Homme.

Les chiffres à retenir

Lors des plaidoiries, les étudiants d’Université Côte d’Azur ont fait preuves d’un grand sérieux.  Les plaideurs représentant la Mer Méditerranée, qui accueille environ 200 millions de touristes chaque année, ont formulé une série de chiffres qui fait froid dans le dos. 

  • L’Europe déverserait 150 000 à 500 000 tonnes de plastiques par an dans la Mer Méditerranée,
  • L’Europe a produit 60 millions de tonnes de plastiques en 2016,
  • La France consomme de 2 millions à 4 millions de tonnes de plastiques chaque année.

Les étudiants d’Université Côte d’Azur ont pu proposer des projets de conventions internationales sur les déchets plastiques en mer lors d’une présentation orale le 16 février, au lendemain de l’audience. L’objectif, pour ces futurs juristes et avocats, était « d’élaborer les bases d’une convention internationale sur les déchets plastiques en mer, la plus adaptée possible à l’objectif de réduction, voire d’élimination des déchets plastiques en mer ». Les propositions de conventions seront prises en compte et proposées lors de la Conférence des Nations Unies sur les Océans, en 2020.

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Manon Reinhardt :