Institut de Chimie de Nice : Dessine-moi une odeur !

  • Recherche
Publié le 18 novembre 2020

L’équipe « ChEmoSim » de l’Institut de Chimie de Nice, en collaboration avec l’Université de Duke aux Etats-Unis a établi un protocole de modélisation moléculaire capable de prédire la manière dont allait s’activer un récepteur olfactif face à une molécule. Le modèle a reproduit la réponse à la phéromone sexuelle du porc, l’androsténone, ouvrant la voie à la découverte du mécanisme microscopique de la perception des odeurs.

L’équipe dirigée par Jérôme Golebiowski travaille sur les mécanismes de la perception des odeurs. Au niveau moléculaire elle s'intéresse à la façon dont nos récepteurs olfactifs capturent les molécules odorantes et y répondent. « Nous avons travaillé sur l’un des 400 récepteurs présents chez l’Homme, le récepteur OR7D4. Nous avons réussi à prédire, grâce à la simulation moléculaire haute performance couplée à des tests fonctionnels in vitro, sa réponse à une molécule candidate » explique Jérôme Golebiowski. Cette prédiction répond à une problématique plus générale qui est de pouvoir prédire l’odeur d’une molécule à partir de sa structure.

Le récepteur ORD7D4 réagit lorsqu’il est stimulé par l’androsténone, un odorant surtout connu pour être la phéromone sexuelle du porc. Cette molécule est perçue de manière différente d’une personne à l’autre selon la séquence génétique de OR7D4. En fonction de leurs gènes, certaines personnes la perçoivent avec une odeur très désagréable assimilée à de l’urine alors que d’autres au contraire la perçoivent de façon plutôt agréable avec une connotation miellée ou vanille. D’autres enfin sont indifférents à cette odeur. On estime à 30% la population qui possède le variant génétique les rendant anosmiques à l’androsténone. Et cette différence de perception est corrélée avec la manière d’élever les porcs en Europe !

« La viande de porc non castrée contient une quantité significative d’androsténone. En France, Espagne et Italie, une majorité de la population exprime le variant génétique d’OR7D4 qui les rend sensible à l’odeur de la molécule présente dans cette viande. Par conséquent dans ces pays, la castration des porcelets, qui empêche la production de la phéromone est majoritaire. En revanche en Angleterre et Irlande, une grande partie de la population possède le variant génétique de OR7D4 les rendant anosmiques à l’androsténone. La castration y est alors peu répandue » précise le chercheur.

Au-delà des répercussions que cela peut avoir sur la manière d’élever les porcs dans toute l’Europe, le défi relevé par les chercheurs de l’ICN est d’avoir pour la première fois réussi à prédire si un récepteur olfactif allait ou pas s’activer face à une molécule odorante. Ces recherches établissent un lien entre la castration des porcelets en Europe et des interactions spécifiques entre acides-aminés dans le récepteur OR7D4 ! Ces travaux se situent dans la continuité des recherches menées à l’ICN sur la constitution d’un nez computationnel capable de simuler la manière dont notre cerveau perçoit une odeur.

Claire de March et Jérémie Topin ont contribué de manière égale à ces recherches.

Jéremie Topin, Jérôme Golebioswki, Claire De March

Odorant receptor 7D4 activation dynamics
Claire A. de March, Jérémie Topin, Elise Bruguera, Gleb Novikov, Kentaro Ikegami, Hiroaki Matsunami, Jérôme Golebiowski, Angewandte Chemie International Edition, 2018, sous-presse
https://doi.org/10.1002/anie.201713065

Contact :
Delphine Sanfilippo : delphine.sanfilippo@unice.fr