Comprendre le remodelage « calcique » des cellules cancéreuses : vers de nouvelles stratégies pour cibler les métastases
Publié le 18 novembre 2020
Pour la deuxième fois en un an, l’équipe de recherche dirigée par Olivier Soriani au sein de l’Institut Biologie Valrose (UNS, CNRS, Inserm) fait l’objet d’une publication dans une revue scientifique de haut niveau « Oncogene » pour ses travaux sur Sigma R1, une protéine responsable d’un mécanisme particulier qui permet aux cellules cancéreuses d’augmenter leur pouvoir métastatique en adaptant leur signature calcique. Cette découverte de ce nouveau mécanisme ouvre ainsi de nouvelles pistes thérapeutiques pour cibler les métastases.
La protéine sigma R1 est une protéine qui fait actuellement l’objet de nombreuses recherches car elle joue un rôle important dans les maladies neurodégénératives, dans les addictions à l’alcool, à la cocaïne et les accidents vasculaires cérébraux. Dans ces pathologies du système nerveux, « Sigma R1 joue un rôle protecteur qui freine l’évolution de la maladie. Mais dans le cas de cancers, le rôle protecteur de Sigma R1 est détourné et cette dernière va au contraire favoriser la formation de métastases » nous explique Olivier Soriani, Maître de conférence à l’Institut Biologie Valrose.
En décembre 2015, dans un article publié dans la revue Cancer Research, l’équipe d’Olivier Soriani, en collaboration avec des équipes niçoises, espagnoles et italiennes, avait mis en évidence le rôle fondamental de SigmaR1, dans le dialogue qui s’établit entre la cellule cancéreuse et le microenvironnement tissulaire qu’elle façonne et détourne à son profit. En supprimant cette protéine, les chercheurs étaient parvenus à rompre ce dialogue et à réduire le potentiel invasif des cellules issues de leucémies et de cancers colorectaux (voir l'article dans le fil UNS : http://unice.fr/fil/service-communication/actualites/une-nouvelle-cible-pour-reduire-les-metastases).
Forts de ces résultats de recherche et en collaboration avec Christophe Vandier ( Nutrition, Croissance et Cancer, Inserm, Université de Tours), Olivier Soriani et son équipe se sont intéressés à la signature calcique des cellules cancéreuses. Le calcium est un messager fondamental pour toutes les cellules et sert à des fonctions multiples : les bienfaits du calcium dans la construction osseuse sont connus de tous, mais il est également fondamental pour les cellules du moment de la fécondation (c’est un signal calcique qui donne l’ordre de division des cellules au moment de la fécondation de l’ovule) jusqu’à la mort programmée de la cellule. De nombreuses équipes de recherche dans le monde travaillent sur les mécanismes qui contrôlent la signature calcique cellulaire et il a été récemment démontré que la signature calcique des cellules cancéreuses subissait un profond remodelage au fur et à mesure de l’évolution de la maladie.
L’équipe de Christophe Vandier à Tours avait démontré en 2013 que l’association de deux canaux (un calcique et un potassique) dans des cas de cancers du sein ou colorectaux augmentait le flux de calcium et entrainait des métastases osseuses. L‘équipe d’Olivier Soriani s’est alors demandée quel rôle leur protéine chaperonne Sigma R1 pouvait jouer dans cette association : « nous nous sommes alors rendus compte que SigmaR1 était responsable de l’association des 2 canaux ioniques dans la cellule : si les deux canaux ioniques sont présents dans la cellule mais qu’ils sont localement séparés, il n’y a pas d’augmentation de calcium et donc pas de développement de métastases. Si par contre Sigma R1 est présente, les deux canaux sont associés et on a un effet sur la migration cellulaire qui est un mécanisme fondamental dans le développement de métastases » précise Olivier Soriani.
Des tests ont pu être réalisés grâce à une collaboration avec les services hospitaliers de Brest, Nantes et Tours et l’analyse des prélèvements a bien confirmé l’hypothèse émise par l’équipe de recherche de l’IBV : c’est la présence de Sigma R1 qui conditionne l’apparition des métastases et la survie des patients en lien avec l’expression des canaux ioniques impliqués. « Et ce qui est intéressant et encourageant, conclut Olivier Soriani, c’est qu’il existe déjà des molécules fabriquées par des laboratoires pharmaceutiques qui vont permettre de découpler le récepteur Sigma de ses partenaires et réduire l’effet métastatique. Avec Sigma R1, un récepteur commun à plusieurs cancers a probablement été trouvé. La prochaine étape sera de tester ces molécules sur l’animal puis sur les patients ».