Comment les injections de fluide génèrent des tremblements de terre

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Publié le 18 novembre 2020 Mis à jour le 15 février 2021
Date(s)

le 14 mars 2019

portrait d'un homme
portrait d'un homme

Une équipe internationale constituée de chercheurs de Géoazur (Université Côte d’Azur, CNRS, Observatoire de la Côte d’Azur, IRD), des universités de La Sapienza en Italie, de Caltech et de Berkeley aux USA ont mis au point des expériences uniques en laboratoire et sur le terrain pour développer un modèle hydromécanique visant à mieux comprendre la mécanique des failles. Ces travaux sont publiés le 13 mars 2019 dans la revue Sciences Advances.

Depuis les années 1960, l'augmentation exponentielle de la demande d'énergie a stimulé l'utilisation de nouvelles techniques pour l'extraction du pétrole, du gaz, de la chaleur géothermique, ou plus récemment pour le stockage de CO2dans les premiers kilomètres de roches souterraines de la croûte supérieure. Ces manipulations de fluide peuvent provoquer des tremblements de terre. Ces séismes induits sont une préoccupation croissante pour notre société et un risque qui doit être maîtrisé pour une énergie propre avec un impact limité sur l’environnement.

Une injection de fluide en profondeur peut provoquer des tremblements de terre si ces fluides atteignent des zones de failles prêtes à rompre sismiquement. D’après les connaissances actuelles, la rupture peut se produire lorsque la pression dans la faille dépasse un certain seuil. Toutefois, comprendre le fonctionnement interne des failles remplies de fluide se heurte à un obstacle majeur : l’accès à la zone rompue des failles en profondeur est quasi-impossible, ou limité à quelques forages. Il s'agit donc d’une limitation sérieuse dans l'explication de nombreuses observations de séismes naturels et induits, et d’autres processus de glissement sur les failles.

Une observation très prometteuse

Ainsi, en confrontant des expériences à différentes échelles (du centimètre à la dizaine de mètres) avec des simulations numériques, les auteurs expliquent comment le glissement sur une faille est provoqué par l’augmentation de la pression depuis la phase initiale asismique jusqu’à la phase sismique. Une observation très prometteuse est que les processus de déformation à l'échelle décamétrique sur le terrain sont quantitativement cohérents avec les modes de déformation et les propriétés de frottement mesurées en laboratoire à l'échelle centimétrique. L'étude montre pour la première fois que les expériences d'injection de fluide sur des failles naturelles et en laboratoire révèlent une phase similaire d'ouverture et d'accélération du glissement jusqu'à l'instabilité principale de la faille, ce qui suggère un mécanisme sous-jacent commun qui est indépendant de l’échelle d’investigation. 

Cette équipe de chercheurs a ensuite utilisé les résultats des expériences en laboratoire pour développer un modèle hydromécanique afin de vérifier si les propriétés à petite échelle (cm) sont compatibles avec les observations in situ à l’échelle décamétrique, et pour faire la lumière sur l'origine des déformations asismiques précédant l’activité sismique observée. Les prédictions du modèle sont cohérentes avec le glissement de la faille mesuré sur le terrain. Les résultats montrent que le glissement asismique s'amorce dans la zone sous pression, mais qu’aucun séisme ne se produit près de l’injection car la taille de la zone sous pression est plus petite que la taille de nucléation nécessaire pour produire un séisme. De plus, l’étude montre qu’un glissement asismique soutenu peut accumuler des contraintes de cisaillement suffisamment fortes au-delà du front de pression pour déclencher des séismes sur des aspérités prêtes à rompre avant l’injection. 

Mieux comprendre la mécanique des failles

Ce nouveau travail est non seulement une avancée de premier ordre pour rapprocher les résultats des expériences en laboratoire et sur le terrain afin de mieux comprendre la mécanique des failles et leurs propriétés hydromécaniques, mais il fournit également un nouveau cadre pour comprendre comment le couplage entre la déformation sur une faille et l'écoulement du fluide favorise un glissement stable et asismique pendant l'injection, et comment la sismicité peut être déclenchée indirectement par le chargement asismique des aspérités non pressurisées par les fluides.

Enfin, cette étude suggère que la comparaison d'expériences contrôlées et haute résolution en laboratoire et sur le terrain avec des simulations hydromécaniques permet de progresser dans la compréhension de la mécanique des failles en présence de fluides, et leur potentiel à générer des tremblements de terre naturels ou induits par les activités anthropiques.

Interview de Frédéric Cappa, Professeur de Géophysique à Université Côte d'Azur

Figure : Expériences de déformation d’une faille provoquée par une injection de fluide en laboratoire et in situ.L'ouverture de la faille et le glissement asismique accéléré se produisent dans la zone sous pression (en bleu), alors qu'à sa limite et au-delà, des contraintes de cisaillement s’accumulent (en rouge) par la propagation du glissement asismique, ce qui peut déclencher des tremblements de terre sur les aspérités les plus susceptibles de rompre brutalement.

Figure Cappa 

L'article publié dans la revue Sciences Advances le 13 Mars 2019 s'intitule "Stabilization of fault slip by fluid injection in the laboratory and in situ"par Frédéric Cappa de Géoazur (Université Côte d'Azur, CNRS, Observatoire de la Côte d’Azur, IRD), Marco Maria Scuderi et Cristiano Collettini de l’université La Sapienza à Rome (Italie), Yves Guglielmi du Lawrence Berkeley National Laboratory (LBNL) à Berkeley (USA), et Jean-Philippe Avouac du California Institute of Technology (Caltech) à Pasadena (USA). Ce travail a été financé par l'Agence Nationale de la Recherche (ANR HYDROSEIS, ANR-13-JS06-0004-01 et IDEX UCA JEDI, ANR-15-IDEX-01), le fond européen Marie Sklodowska-Curie (n° 656676)et le Conseil Européen de la Recherche (ERC GLASS, n° 259256).

Credit : Frédéric Cappa, Université Côte d’Azur, CNRS, Observatoire de la Côte d’Azur, IRD, Géoazur, France; Marco Maria Scuderi, La Sapienza University, Italy.

Contact : Frédéric Cappa, Université Côte d’Azur, CNRS, Observatoire de la Côte d’Azur, IRD, Géoazur, France. Email : cappa@geoazur.unice.fret Frederic.CAPPA@univ-cotedazur.fr

Reference :Cappa, F., Scuderi M.M., Collettini C., Guglielmi Y., Avouac J.P. (2019), Stabilization of fault slip by fluid injection in the laboratory and in situ, Sci. Adv.5, eaau4065, doi: 10.1126/sciadv.aau4065

Contact :
Frédéric Cappa : cappa@geoazur.unice.fr