Christelle Lison, Université de Sherbrooke « On doit redonner du sens à la présence enseignante »
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le 22 octobre 2018
Christelle Lison, Professeure en sciences de l’éducation à l’Université de Sherbrooke (Québec), a animé une série de conférences durant le mois d’octobre à l’invitation du projet L@UCA (Licence à l’Université, Compétences et Adaptabilité). Interview de cette spécialiste de l’innovation pédagogique dans l’enseignement supérieur.
Pourquoi revoir les méthodes pédagogiques ?
On voit une réelle transformation des étudiants : les étudiants cherchent d’abord des formations qui leur donnent du sens, en terme de valeurs, en terme d’ouverture d’esprits. Aujourd’hui, le diplôme n’est plus une finalité pour trouver un emploi. Des professions très valorisées autrefois le sont moins aujourd’hui. De plus on prépare aujourd’hui les étudiants à des métiers qui n’existent pas encore. On doit donc à la fois les préparer à trouver du sens et des valeurs mais également à entrer dans une logique d’apprendre à apprendre vraiment. On ne peut pas les préparer à tout ce qui va arriver et le savoir avance de manière exponentielle ; c’est pour cela qu’il est difficile aujourd’hui d’imaginer des formations qui resteraient très statiques.
Pouvez-vous donner des exemples concrets de nouvelles pédagogies ?
Parmi les nouvelles pédagogies on peut citer l’hybridation des cours, les formats de classes inversées où l’enseignant peut dématérialiser l’espace de cours en faisant des apprentissages en classe et conservant la partie enseignement théorique en dehors de la salle de classe. Pour travailler l’autonomie des étudiants en cours, on trouve des choses intéressantes autour du travail en collectif et notamment l’utilisation des « pairs » comme les étudiants redoublants. L’apprentissage par problèmes ou par projet reste également une méthode efficace qui permet de mettre les étudiants en équipe autour d’un problème à résoudre.
On doit permettre aux étudiants de se demander quelles sont les finalités de leur apprentissage, quelles sont les cibles à atteindre et comment les atteindre. A partir de là on va être capable de montrer à l’étudiant qu’en plus des connaissances théoriques acquises, il a également acquis des compétences. En matière d’innovation pédagogique, il n’y a pas de limite à la créativité des enseignants.
Qu’est-ce qui différencie l’étudiant d’aujourd’hui de celui d’il y a 10-15 ans ?
Son rapport à la connaissance a changé : les étudiants sont plus sceptiques qu’avant et en même temps très crédules. Aujourd‘hui le savoir est facilement trouvable, le problème est d’aider l’étudiant à trouver l’information et à se questionner sur la pertinence, la validité de cette information : comment savoir si l’information que détient l’étudiant est une source d’information valide ou pas. Pour certains tout est au même niveau et cela change énormément notre travail d’enseignant. En ce sens, nous devons transformer nos pédagogies car elles doivent nous amener à les faire s’interroger sur l’information.
La transformation pédagogique doit aussi nous amener à nous bousculer en tant qu’enseignants car si l’étudiant peut trouver le cours complet sur internet, pourquoi irait-il s’asseoir dans une salle de cours. La transformation pédagogique est l’occasion de donner du sens à la présence enseignante dans la salle de cours et en dehors, c’est revoir notre rôle et se demander quelle est notre valeur ajoutée. Et de plus en plus d’universités se posent cette question-là. L’innovation pédagogique nous permet de mettre la barre encore plus haut et de bousculer un peu les habitudes des étudiants.
Question à Laure Capron, responsable du projet L@UCA : pourquoi avoir demandé à Christelle Lison d'animer cette série de séminaires ?
LC : Avec le projet L@UCA, nous souhaitons contribuer à impulser la nouvelle dynamique pédagogique définie dans la stratégie d’établissement. Pourvoir bénéficier de l’expertise et de l’expérience de Christelle Lison est une chance. Cela nous permet de réfléchir sur nos méthodes pédagogiques mais également de nous enrichir des pratiques extérieures. La recherche sur les pratiques pédagogiques dans le supérieur est un axe de travail mondial avec une avance reconnue des établissements du Québec ou de la Belgique par exemple. Nous allons chercher l’expertise là où elle est en espérant des collaborations fructueuses.