Astéroïde Bennu : Sel & Espace…

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Publié le 30 janvier 2025 Mis à jour le 30 janvier 2025
Date(s)

le 30 janvier 2025

Bennu
Bennu

Une équipe internationale, impliquant notamment les laboratoires Lagrange, CRHEA et LGL-TPE d’Université Côte d'Azur, Université Jean Monnet et du CNRS, a réalisé les premières analyses minéralogiques détaillées des échantillons de Bennu rapportés par la mission OSIRIS-REx (NASA).

Grâce à des techniques avancées d'interaction électron-matière, comme la cathodoluminescence, les chercheurs ont identifié une grande diversité de sels, dont des phosphates, des carbonates, des sulfates, des chlorures et des fluorures. La reconnaissance d’une séquence évaporitique témoigne de l'importance de la circulation des saumures dans l’évolution du corps parent de Bennu. En outre, la présence de composés organiques complexes fait de Bennu un candidat prometteur pour l'étude de l'origine de la vie. Le retour d'échantillons et leur conservation minutieuse ont été indispensables pour identifier ces sels, qui se dégradent rapidement au contact de l'air. Ces travaux sont décrits dans un article paru dans la revue Nature, le 30 janvier 2025. 

Affiche Nature
Affiche Nature

Les saumures, milieux aqueux à forte concentration en sels dissous, offrent des conditions propices à l'émergence et au développement de la vie dans le système solaire et constituent ainsi des cibles privilégiées pour l'exploration spatiale, comme en témoigne la mission Juice en cours. L'évaporation ou le gel de ces saumures entraîne la précipitation de divers minéraux (carbonates, sulfates, halogénures), formant des dépôts similaires à ceux exploités sur Terre pour leurs ressources en éléments critiques (lithium). Si les processus de formation des minéraux à partir de saumures terrestres sont bien compris, ceux agissant dans les environnements extraterrestres restent encore largement méconnus, en raison notamment du manque d'échantillons.
 

Une grande variété de sels au sein d'une matrice minérale complexe de Bennu

La mission OSIRIS-REx, en rapportant sur Terre 120 g d'échantillons de l'astéroïde primitif Bennu, a ouvert à ce propos de nouvelles perspectives dans l'étude de l’évolution des premiers petits corps du Système solaire. Une batterie d’analyses utilisant les meilleures techniques analytiques de microscopie et de spectrométrie de masse du moment a en effet mis en évidence une grande variété de sels au sein d'une matrice minérale complexe de Bennu composée de phyllosilicates hydratés, de carbonates, de magnétite et de sulfures. Parmi ces sels, on trouve notamment des phosphates, des carbonates, des sulfates, des chlorures et des fluorures de sodium. Nos analyses par microscopie électronique et cathodoluminescence révèlent par exemple des intercroissances complexes entre ces différentes phases (dolomite, magnésite Fe-Mn, phosphate) ainsi que l’existence de veines dans la matrice.

Les sels identifiés dans les échantillons de Bennu, notamment les carbonates, les sulfates et les chlorures, associés à des veines minéralisées, témoignent d'une longue histoire d'altération aqueuse. Ces observations suggèrent que des saumures ont circulé au sein du corps parent de l’astéroïde, précipitant les sels au cours de leur évaporation. Bien que de nombreuses questions restent en suspens concernant les conditions exactes de cette altération et son timing, la présence de composés organiques complexes, associés à cette séquence évaporitique et à des minéraux argileux et carbonatés, fait de Bennu un candidat prometteur pour l'étude de l'origine de la vie.

L'identification de ces sels variés n’a été rendue possible que grâce au retour d'échantillons et à leur conservation rigoureuse, ces derniers étant altérables par l'atmosphère terrestre. Cette découverte suggère que des processus similaires ont pu opérer au sein de corps glacés comme Cérès et Encelade, où la présence de carbonates de sodium, détectée par spectrométrie, témoigne d'une activité aqueuse passée. 

Figure Bennu
Figure Bennu

Figure : a) Veines de carbonates de sodium dans la matrice riche en phyllosilicate (violet), magnétite, sulfure (rouge), et dolomite (vert), b) Image panchromatique de cathodoluminescence d’une dolomite zonée (D) avec un cœur de magnésite riche en fer (M), c) Séquence de formation des phases minérales au cours de l'évaporation de la saumure sur le corps parent de Bennu.


 

Contact chercheurs 

Guy Libourel, Lagrange, Université Côte d’Azur, OCA, CNRS, libou@oca.eu,  Co-I OSIRIS-REx et coordinateur géographique (France-Europe)
Marc Portail, CRHEA, Université Côte d’Azur, CNRS, Marc.Portail@crhea.cnrs.fr
G.L & M.P remercient le CNES, l’ANR, l’UniCA et la fédération Doeblin pour leurs soutiens financiers.

Pour en savoir plus

An evaporite sequence from ancient brine recorded in Bennu samples. T.J. McCoy & S.S. Russell et al., Nature, janvier 2025.