Adel Ben Youssef : « Après avoir passé dix ans à faire de la recherche « pour la recherche », j’ai changé de stratégie »

Publié le 30 avril 2020 Mis à jour le 7 janvier 2021
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le 16 décembre 2020

Expert des questions d'énergie et de changement climatique, l'économiste Adel Ben Youssef a publié de nombreux travaux sur la situation en Afrique.

Il y a un « avant » et un « après » dans la carrière de Adel Ben Youssef. « Après avoir passé dix ans à faire de la recherche « pour la recherche », sans m’interroger sur l’impact éventuel de mes travaux, j’ai changé de stratégie », annonce d’emblée l’économiste, franco-tunisien et spécialiste des questions d’énergie et de changement climatique. Depuis 7 ou 8 ans, il ne se lance plus dans un projet sans chercher à avoir un impact sur des questions précises inscrites dans l’agenda des institutions. « Pour cela, il faut trouver des partenaires, rencontrer les acteurs, voir sur quoi ils travaillent et se positionner là où il manque une expertise », explique Adel Ben Youssef. Ce tournant s’est fait après que la Banque africaine de développement l’a associé à la formulation de la première stratégie de développement du capital humain en Afrique. « J’ai pu produire une série d’articles montrant comment l’énergie conduit à la santé, à l’accès à l’éducation ou encore à une croissance économique généralisée », détaille le chercheur. « Ces impacts sur le développement humain sont ordinairement sous-estimés en Afrique », précise Adel Ben Youssef. Il a ainsi pu alimenter le débat opposant ceux qui voudraient construire d’abord le capital physique, autrement dit les infrastructures, pour favoriser le développement du capital humain, et ceux qui pensent qu’en développant l’accès à l’énergie sans passer par le réseau standard, par exemple en promouvant l’accès à l’énergie à petite échelle, on peut déjà développer le capital humain. Une question fondamentale, sachant que seuls 30% de la population du continent africain bénéficient aujourd’hui d’un accès à l’électricité. « Au contraire, l’Afrique du Nord et le Moyen-Orient présentent une sur-utilisation de l’énergie, génératrice de beaucoup de gaz à effet de serre », souligne Adel Ben Youssef. Sur ce pan du territoire, il s’est donc penché sur la question de la transition énergétique. « J’ai dirigé une étude sur l’efficience des énergies renouvelables pour le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD). Celle-ci a été validée début mars et sera présentée lors de la conférence des Nations Unies sur la coopération Sud-Sud (BAPA+40) », poursuit l’économiste. Pour lui, dans cette démarche, il est primordial d’avoir pour co-auteurs des universitaires mais aussi des représentants de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), de la Banque africaine et des acteurs de terrain. Mandaté depuis 2 ans pour négocier sur l’engagement de la Tunisie dans la lutte contre le changement climatique, Adel Ben Youssef a conscience de jouer un rôle également politique. Toutefois, ce qui l’intéresse, assure-t-il, c’est véritablement de cerner les questions autour desquelles la recherche doit se concentrer pour répondre aux enjeux de l’énergie et du changement climatique. « Il faut travailler sur les questions technologiques, d’innovation, mais aussi sur les aspects juridiques. Quels mécanismes, par exemple, peuvent permettre d’aller au-delà des accords non contraignants pour conduire la coopération entre plus de deux cents acteurs ? », avance-t-il. En résumé, Adel Ben Youssef définit ainsi son ambition : « Réaliser un travail de lobbying pour amener l’université à un très haut niveau politique de représentation. Mais aussi sensibiliser le grand public et les étudiants aux problèmes environnementaux et écologiques ».