A l’origine de l’asymétrie, une protéine qui donne le tournis

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Publié le 18 novembre 2020 Mis à jour le 4 mars 2021
Date(s)

le 23 novembre 2018

schéma d'un adn
schéma d'un adn

L’asymétrie joue un rôle majeur en biologie, à toutes les échelles : enroulement en spirale de l’ADN, cœur positionné à gauche, préférence pour la main gauche ou la droite… Une équipe de l’Institut de biologie Valrose (CNRS/Inserm/Université Côte d’Azur), en collaboration avec des collègues de l’université de Pennsylvanie, a montré qu’une unique protéine induit le mouvement en spirale d’une autre molécule puis, par effet domino, la torsion des cellules, des organes et du corps entier, jusqu’à déclencher un comportement latéralisé. Ces travaux sont publiés dans la revue Science le 23 novembre 2018.

Notre monde est fondamentalement asymétrique : enroulement de la double hélice d’ADN, division asymétrique des cellules souches, localisation du cœur humain à gauche… Mais comment émergent ces asymétries et sont-elles liées les unes aux autres ?

À l’Institut de biologie Valrose l’équipe de Stéphane Noselli comprenant aussi des chercheurs de l'Inserm étudie depuis plusieurs années l’asymétrie droite-gauche afin de résoudre ces énigmes. Ces biologistes avaient identifié le premier gène contrôlant cette asymétrie chez la mouche du vinaigre (drosophile), l’un des organismes modèles préférés des biologistes. Plus récemment, l’équipe a montré que ce gène joue le même rôle chez les vertébrés : la protéine qu’il produit, la myosine 1D , contrôle l’enroulement ou la rotation des organes dans le même sens.

Dans cette nouvelle étude, les chercheurs ont induit la production de myosine 1D dans des organes normalement symétriques de la drosophile, comme les trachées respiratoires. De façon spectaculaire, cela a suffi à induire une asymétrie à tous les niveaux : cellules déformées, trachées s’enroulant sur elles-mêmes, organisme entier torsadé, et comportement de nage hélicoïdale des larves de mouches. Chose remarquable, ces nouvelles asymétries se développent toujours dans le même sens.

Afin d’identifier l’origine de ces effets en cascade, des biochimistes de l’université de Pennsylvanie ont apporté leur concours : ils ont mis en présence, sur une lame de verre, la myosine 1D et un composant du « squelette » des cellules, l’actine. Ils ont alors pu constater que l’interaction des deux protéines entraine un mouvement en spirale de l’actine.

Outre son rôle dans l’asymétrie droite-gauche chez la drosophile et les vertébrés, la myosine 1D apparaît donc comme une protéine unique capable à elle seule d’induire l’asymétrie à toutes les échelles, d’abord au niveau moléculaire, puis, par effet domino, cellulaire, tissulaire et comportemental. Ces résultats suggèrent un mécanisme possible d’apparition soudaine de nouveaux caractères morphologiques au cours de l’évolution, comme par exemple la torsion du corps des escargots. La myosine 1D aurait toutes les caractéristiques requises pour l’émergence de cette innovation, puisque son expression suffit à elle seule à induire la torsion à toutes les échelles.

 Moteur cellulaire

Légende : Le moteur moléculaire myosine 1D crée de l’asymétrie à tous les niveaux, du mouvement des molécules d’actine (filaments rouge et vert) jusqu’à l’échelle de l’organisme (ici une larve de drosophile), en passant par les trachées respiratoires (structures tubulaires blanches). © Photo de larve : Gaëlle Lebreton ; Montage : Stéphane Noselli / iBV / CNRS

Vidéo
Cette vidéo montre le déplacement d’une larve normale (à gauche) et d’une larve exprimant la myosine 1D dans son épiderme, normalement symétrique. Alors que la larve normale rampe de manière linéaire, avec sa face ventrale au contact du liquide, la larve modifiée est torsadée et avance en faisant des « tonneaux ».
Crédit : Gaëlle Lebreton / iBV / CNRS

Bibliographie

Molecular to Organismal Chirality is induced by the Conserved Myosin1D, Gaëlle Lebreton, Charles Géminard, François Lapraz, Serapion Pyrpassopoulos, Delphine Cérézo, Pauline Spéder, E. Michael Ostap & Stéphane Noselli. Science, 23 novembre 2018. DOI : 10.1126/science.aat8642

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