Le centre de recherche en création musicale met au point un nouvel outil de simulation musicale

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Publié le 18 novembre 2020

Cette nouvelle technique très utile aux chefs d’orchestre, metteurs en scène et chanteurs d’opéras permettra aux différents protagonistes, grâce à ces techniques de simulation, d'avoir une idée sonore précise du rendu final permettant à chacun de mieux se préparer et de se coordonner à la veille des premières répétitions dans les théâtres.

L’opéra « Pinocchio » est une création mondiale du compositeur Philippe Boesmans qui sera présentée lors du festival d’Aix en Provence au mois de juillet. La partition a été réalisée sur un livret de Joël Pommerat qui assurera aussi la mise en scène, ce livret étant fondé sur l’œuvre éponyme de Carlo Collodi. La direction musicale sera assurée par Emilio Pomarico.

Les artistes qui se produiront sur scène auront bénéficié pour la première fois pour leurs répétitions d’une simulation orchestrale produite par le centre de recherche en création musicale. En effet, traditionnellement les répétitions quelques semaines avant la première se font sur la base musicale d’un piano seul qui représente l’orchestre en réduction. Les « mises en scène piano » réunissent chanteurs et metteur en scène et permettent à ce dernier de leur expliquer ce qu’il attend d’eux et de donner ses premières consignes (les entrées, les déplacements, les émotions à faire passer). Cela permet également de régler les décors, les éclairages et les divers éléments techniques du spectacle. Au bout de quelques semaines de répétition, la « générale piano » permet aux chanteurs de répéter l’intégralité de l’opéra accompagné du seul piano ; le metteur en scène peut alors évaluer l’avancée des préparatifs et corriger certains détails avant l’arrivée de l’orchestre.

Grâce au centre de recherche en création musicale, les chanteurs, le metteur en scène et le chef d’orchestre vont pouvoir bénéficier d’une nouvelle technique de simulation orchestrale leur permettant de répéter dès le début en étant accompagnés par tous les instruments prévus dans la partition de l’opéra et non plus seulement par leur imitation approximative donnée par le piano.

« Lorsque j’ai composé l’opéra Maria Republica d’après le roman d’Agustín Gómez-Arcos (créé en 2016 à l’opéra de Nantes - http://mmediatv.com/film/1378 -) j’ai utilisé un « piano virtuel » capable de jouer dans des conditions acoustiques satisfaisantes (transitoires d’attaques et sympathies) des micro-intervalles ce qui est impossible sur un piano ordinaire. A partir du moment où nous étions capables d’utiliser un piano virtuel, il était logique d’ambitionner ce travailler avec un orchestre virtuel », explique François Paris, compositeur et directeur du CIRM.

A l’autre bout de la chaine de création, au moment de la page blanche, ces techniques de simulation peuvent être utilisées comme aide à l’écriture, c’est l’un des objectifs du travail de recherche que le CIRM mêne avec la Sustainable Design School dans cadre du projet IDEX « Le bureau du compositeur ». «Traditionnellement les compositeurs comme Beethoven par exemple, jouaient leur musique au piano puis écrivaient les bases de leurs partitions en multipliant les allers et retours entre le clavier et le papier à musique posé sur le pupitre de l’instrument, puis, le cas échéant, ils orchestraient le résultat à la table en assignant à divers instruments la matière musicale obtenue » précise le Directeur. « Depuis le XXème siècle, la création musicale a considérablement évolué, le piano est devenu un outil trop limité, incapable de rendre compte à lui seul de la complexité des partitions réalisées. « La palette du compositeur s’étant considérablement élargie (par exemple avec l’adjonction des sons électroniques et des sons concrets dans la partition), il nous est très utile de pouvoir envisager de simuler des situations acoustiques complexes. Ces nouveaux paysages sonores sont difficilement formalisables à l’oreille et à la table, le fait de pouvoir les simuler et de les entendre a priori nous permettra d’aller encore plus loin dans l’invention de la musique de demain. »

Une simulation d’orchestre

« A partir de fichiers de partitions couplés à des banques de sons joués par des échantillonneurs (samplers) sophistiqués, nous arrivons à simuler le résultat orchestral final de manière crédible » explique François Paris. "Mieux, afin de ne pas nous contenter d’une matière inerte (fichier lu toujours à la même vitesse) et de pouvoir rendre compte au plus près de l’expression musicale, nous avons permis à cette matière de se soumettre à une variation temporelle continue contrôlée par un pilote (le chef d’orchestre par exemple). Autrement dit, l’orchestre virtuel peut, comme un orchestre réel, ralentir, accélérer, respirer (points d’orgue) etc. Pour ce faire, nous avons couplé à notre dispositif technologique un autre programme informatique développé à l’IRCAM - Institut de recherche et coordination acoustique/musique (puis au sein de sa société) par Arshia Cont : « Antescofo ».

« Pour Pinocchio, la demande du festival d’Aix était de ne pas utiliser ces variations temporelles contrairement à ce que nous avions fait pour « Maria Republica » à l’Opéra de Nantes » poursuit le directeur. « Une simulation d’orchestre a été faite par Camille Giuglaris, Directeur technique et Ingénieur du son du CIRM puis l’assistant d’Emilio Pomarico, le chef d’orchestre de l’opéra est venu dans nos studios, a écouté la simulation et a chanté et enregistré un par un tous les rôles de l’opéra en étant accompagné par celle-ci ». Le CIRM a ensuite mixé tous ces éléments avant d’envoyer le résultat final au festival d’Aix. Ce document va permettre au metteur en scène et à ses équipes d’avoir l’opéra « en tête », de régler plus précisément et en amont les changements de décor et les lumières, aux chanteurs de répéter et au chef d’orchestre de disposer d’une maquette qui pourra constituer éventuellement l’un des éléments de l’élaboration de son interprétation de la partition.

Résultat à partir du 3 juillet au festival d’Aix en Provence !